Avec son éolienne urbaine, New Wind a le vent en poupe

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Publié le 30 novembre 2015

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Vous ne pourrez pas les rater à l’entrée du Bourget. Deux arbres à vent, d’une hauteur de 9,85 m et d’un diamètre de 7,95 m, vont être exposés sur le site qui accueille la COP21, à partir de ce lundi 30 novembre et jusqu’au 11 décembre. Ces deux arbres sont en fait des éoliennes biomimétiques destinées aux espaces urbains. Composé de 63 mini-éoliennes - les feuilles - chaque arbre a une capacité de 3000 watts, soit les besoins en électricité de 15 lampadaires. Rencontre avec Jérôme Michaud-Larivière, le fondateur de New Wind, la start-up parisienne de 12 salariés à l'origine de cette invention.

Novethic. Comment est né le concept de l'arbre à vent ?

Jérôme Michaud-Larivière. J'étais assis sur un banc et je regardais un arbre. J'ai vu ses feuilles frémir alors qu'il n'y avait pas d'air du tout. C'est aussi bête que ça ! Je me suis alors demandé d'où venait cette énergie et s'il était techniquement possible de la capter. Nous étions en 2011, juste après la catastrophe nucléaire de Fukushima. C'est à ce moment-là, alors que l'avenir de la filière nucléaire semblait en suspens, que j'ai eu le sentiment que l'électricité était en train de devenir un enjeu majeur. Depuis cette date, le prix du kilowattheure n'a cessé de progresser et 1,6 milliard de personnes est toujours en attente d'électricité. Ces circonstances doivent nous pousser à trouver des solutions radicalement différentes. Je pense que cela peut venir d'initiatives multiples et très locales. Des solutions évidemment propres et renouvelables.

Novethic. D'un point de vue technique, comment fonctionne votre éolienne?

Jérôme Michaud-Larivière. Le vent fait bouger les feuilles qui tournent sur leur axe. Sous chaque feuille se trouve un générateur qui est associé à une pale. Le courant traverse ensuite les branches et le tronc, puis passe par un onduleur avant d'alimenter une maison ou une station de recharge. Nous sommes aujourd'hui capables de produire du courant aux normes actuelles. C'est une solution qui est très simple d'un point de vue technique.

Novethic. Votre solution prend à contre-pied le modèle industriel dominant dans le secteur de l'éolien...

Jérôme Michaud-Larivière. Les filières du secteur du petit éolien sont assez désorganisées. Les grandes éoliennes, elles, sont installées loin des villes alors que la population à l'échelle mondiale est de plus en plus citadine. En 2040, 75 % des humains vivront en ville. Le coût de l’acheminement et de l'énergie ainsi produite est également très onéreux, ce qui augmente le montant de la facture pour le consommateur. Et puis en France, les éoliennes suscitent l'hostilité, comme en atteste le nombre de procédures judiciaires pour tenter de mettre un terme à des projets en cours d'implantation. C'est dommage qu'une telle idée soit devenue si impopulaire. Pour dépasser cet obstacle, la réponse peut passer par la micro-électricité. Le danger est aussi de ne pas produire assez de courant en milieu urbain, là où on en a le plus besoin.

Novethic. Quelles sont aujourd’hui vos capacités de production?

Jérôme Michaud-Larivière. Nous avons fabriqué huit arbres, huit prototypes, installés chez des clients représentatifs de nos futurs marchés. Par exemple, nous en avons inauguré un pour un centre commercial d'Unibail début novembre, près de Düsseldorf, en Allemagne. Un autre a été commandé par Icade (Groupe Caisse des dépôts dont Novethic est aussi une fililale) pour son siège à Aubervilliers. Pour ce qui est des collectivités locales, qui vont être très prescripteurs, nous allons installer un arbre à Vélizy-Villacoublay. Un autre pour la banque Piguet Galland à Genève, en Suisse. Et Engie, qui croit à notre modèle, a commandé deux arbres dont l’un va être installé à La Défense et l'autre à Roland-Garros, ce qui est un symbole très fort. Par ailleurs, nous avons enregistré 1 336 demandes, qui ne vont pas toutes se traduire par des commandes fermes mais qui montrent l’intérêt qui entoure notre projet. Parmi elles, il y a pas mal de particuliers, bien que notre arbre à vent s’adresse en priorité aux collectivités et aux entreprises. 

Novethic. Le 1er octobre dernier, Arnaud Montebourg, l’ancien ministre de l’Economie, a annoncé son entrée au capital de votre start-up, à hauteur de 56 000 €, et sa prise de poste à la présidence du conseil de surveillance. Quels en sont les impacts ?

Jérôme Michaud-Larivière. Les bénéfices pour nous sont extrêmement importants, notamment en apport d’affaires. Arnaud Montebourg nous aide à déployer notre modèle économique. Sa principale force est qu’il apporte du crédit à notre projet. En tant que start-up, notre principal obstacle c’est l’attentisme du marché. Là, nous avons des commandes qui émanent de grands comptes. Cela bouleverse complètement nos plans et nous permet d’atteindre un nouveau stade de développement beaucoup plus rapidement.

Novethic. La COP21 ouvre aujourd’hui, qu’en attendez-vous ?

Jérôme Michaud-Larivière. D’abord, le fait d’exposer deux de nos prototypes sur le site du Bourget est une vitrine incroyable. L’arbre à vent seul ne va pas remplacer les centrales électriques, mais ce sont des solutions comme la nôtre qui, combinées, peuvent changer la donne. J’espère en voir plein d’autres pendant la COP. Par ailleurs, sur les négociations en elles-mêmes, je veux être optimiste. J’ai du mal à croire que nous ne puissions par parvenir, au bout de douze jours, à un accord contraignant et universel. Je crois que la prise de conscience est massive et que nous allons réussir in extremis à inverser la vapeur. Quand un groupe comme Engie adopte notre sémantique autour de l’autoconsommation, de la réappropriation, de l’accès à une énergie gratuite après l’amortissement, c’est que nous sommes en train de basculer vers un nouveau modèle. La signature d’un accord à Paris pourrait permettre de déclencher le mouvement.

Novethic. Quels sont vos objectifs pour les années à venir et comment parvenir à changer d’échelle ?

Jérôme Michaud-Larivière. Le programme de huit prototypes va nous servir à tirer des enseignements, à valider les process et les équipes. Cela va nous permettre de lancer la standardisation d’ici le début de l’année prochaine et de parvenir à réduire les coûts pour atteindre, je l’espère, un prix cible à partir de 30 000 euros. Notre ambition est de participer à terme au réaménagement de la ville, qui n’aura plus rien à voir avec ce que nous connaissons aujourd’hui. Pour changer d’échelle, il faut multiplier les comportements vertueux, les sobriétés d’usage, et il faut beaucoup d’intelligence dans les innovations pour que de nombreuses solutions émergent. 

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