Les États-Unis ont accordé plus d’un milliard de dollars de subvention pour la construction de deux usines de capture du CO2 dans l’air en Louisiane et au Texas. La compagnie pétrolière Occidental est aux manettes du site texan. Or des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour pointer du doigt ces subventions qui permettent aux industriels du pétrole et gaz de poursuivre leurs activités traditionnelles en développant une technologie de capture du carbone non éprouvée.
Les États-Unis ont accordé une subvention record à deux projets censés lutter contre le réchauffement climatique. Deux usines dédiées à la capture de carbone directe dans l’air vont bénéficier d’une enveloppe de 1,2 milliard de dollars pour développer les plus grandes infrastructures au monde de capture de carbone dans l’atmosphère. Selon le US Department of Energy, elles devraient pouvoir retirer jusqu’à un million de tonnes de CO2 chacune dans l’air tous les ans, soit 250 fois plus que les sites de capture existant. Et ce n’est que le début, les États-Unis prévoyant de poursuivre leurs investissements pour déployer un réseau d’usines sur tout le territoire.
Pour le gouvernement américain, ces nouvelles infrastructures doivent venir en renfort des dispositions pour réduire les émissions de CO2, afin d’atteindre une économie neutre en carbone d’ici 2050. Il se repose pour cela sur des porteurs de projets privés, comme la jeune entreprise suisse Climeworks, qui opèrera l’usine située en Louisiane. Elle opère déjà plusieurs infrastructures de capture de carbone dans le monde, notamment en Suisse et en Islande.
Gagner du temps
L’autre usine, située au Texas, est quant à elle dirigée par 1PointFive, une filiale de la compagnie pétrolière Occidental Petroleum. Plusieurs entreprises américaines du secteur pétrolier et gazier investissent en effet dans les technologies de capture de carbone, soit dans celles de capture directe du CO2 dans l’air (Direct air capture, DAC), soit dans celles associées aux émissions d’un site de production (Captage, stockage, utilisation du CO2). Occidental Petroleum prévoit d’investir près de 600 millions d’euros dans ses activités bas carbone, dont dans la capture directe de CO2 dans l’air. Des montants qui restent cependant bien éloignés de ceux concédés pour les activités pétrolières du groupe, à plus de 6 milliards de dollars.
"C’est un moyen pour l’industrie pétro gazière d’acheter du temps de "business-as-usual", assène Pierre Gilbert, consultant en prospective climatique et cofondateur de Sator, une société de formation en ligne sur les sujets de la transition. Il a écrit en 2021 "Géomimétisme, réguler le changement climatique grâce à la nature", dans lequel il assimilait les technologies de capture du carbone comme étant les prochaines controverses. "On voit les pétroliers demander aux gouvernements de les laisser continuer leurs activités, en promettant de "nettoyer" leur process par ces technologies de capture de carbone", explique-t-il.
90% des investissements fléchés vers les énergies fossiles
La mise en avant de ces futures technologies ne s’accompagnent pas d’une réduction des nouveaux projets pétroliers et gaziers. La plupart des compagnies pétrolières poursuivent au contraire leurs investissements dans le développement de capacités pétrolières et gazières, en n’investissant proportionnellement que très peu dans les énergies renouvelables. Un rapport de Greenpeace montre ainsi qu’en 2022, plus de 90% des investissements des douze entreprises pétrolières européennes étaient fléchés vers les activités fossiles.
Les gouvernements sont pourtant prêts à mettre la main à la poche pour garantir le développement de ces technologies miracles. L’Inflation reduction act américain (IRA), outre les subventions aux usines, prévoit ainsi un crédit d’impôt pour chaque tonne de CO2 absorbée dans l’atmosphère, de 85 dollars pour la technologie CCUS et de 120 dollars pour le DAC. En France, une stratégie de capture, stockage et utilisation du carbone a été mise en consultation jusqu’au 29 septembre prochain. "Ce sont des niches fiscales pour encourager les industriels à s’orienter vers ces technologies", déplore Pierre Gilbert. "On commence à réaliser des investissements lourds alors que l’on n’est pas certains que la technologie de capture du CO2 et que les techniques d’enfouissement du carbone dans le sous-sol fonctionnent", ajoute-t-il, les résultats des sites de capture du CO2 n’ayant pour l’instant pas été à la hauteur des espérances.