Comment savoir si vous êtes en forme ?

Il y a 4 années 618

Monter les escaliers quatre à quatre, courir après le bus, enchaîner plusieurs rocks, simplement marcher... A chacun sa réponse. Tout est question d'harmonie entre ce que l'on veut et ce que l'on peut faire.


Ce sont quelques 600 muscles et 350 articulations, environ, que pilote le système nerveux central pour mettre le corps en mouvement. A l’université de Nantes, François Hug et son équipe s’interrogent encore sur la manière dont chacun coordonne ses muscles pour produire un mouvement : “il existe un nombre incalculable de combinaisons possibles, et nous ne savons pas vraiment pourquoi chaque ‘signature’ est individuelle. Surtout, précise-t-il, nous n’avons pas pu mettre en évidence une stratégie qui serait optimale du point de vue de la performance.” Les chercheurs ont notamment montré que pour un mouvement simple, en l’occurrence le pédalage, il n’y avait pas de différence d’efficacité entre un cycliste professionnel et un sédentaire.

Des fibres musculaires à contraction lente et à contraction rapide

D’un point de vue strictement biomécanique, le mouvement, quel que soient les muscles qu’il met en jeu, résulte de leur contraction, qui consiste elle-même en un glissement et un raccourcissement, sous l’effet d’impulsions nerveuses transmises par le cerveau, des filaments des protéines constitutives de fibres musculaires (voir notre schéma page suivante). Les unités contractives du muscle sont les sarcomères. Quand ils sont en série, la fibre musculaire est plus longue, s’ils sont en parallèle, les muscles seront plus courts, c’est l’apanage des sportifs dits “explosifs”, note Sébastien Ratel, maître de conférence en physiologie de l’exercice à l’Université de Clermont-Auvergne. On distingue en effet deux types de fibres : les blanches, “rapides”, moins irriguées, sont “fortes et puissantes mais fatigables” note Sébastien Ratel, les fibres lentes, rouges, sont plus endurantes. Cette action de contraction se répercute sur les tendons situés aux extrémités des muscles et fixés sur les os, qui sont alors entraînés dans un mouvement de rotation autour d’une articulation. C’est ainsi que nous pouvons marcher, courir, sauter, danser…

L’activité physique déclenche une sensation de bien-être et de relaxation

Mais tout cela requiert de l’énergie. Cela se passe au coeur des cellules, grâce aux 1000 à 1300 mitochondries qu’elles contiennent, chacune, qui produisent l’énergie indispensable à toutes les réactions chimiques de l’organisme à partir des nutriments apportés par l’alimentation et de l’oxygène inspiré. Elle se matérialise sous la forme d’une molécule, l’adénosine triphosphate (ATP). Le métabolisme dit aérobie, lié à l’oxygène apporté dans le sang, oxyde les glucides et les lipides pour fournir de l’énergie aux muscles et aux tendons ; il conditionne également la récupération et retarde le développement de la fatigue. Néanmoins, souligne Sébastien Ratel, le rendement de la machine humaine est faible, car seulement un quart de l’énergie va servir à se mouvoir et se déplacer, quand les autres trois quarts seront restitués sous forme de chaleur”. En cas d’effort intense, le muscle n’est plus irrigué car il comprime ses propres vaisseaux sanguins ; le corps se met en “mode survie” et va puiser dans ses réserves : c’est l’anaérobie. L’exploitation des sucres génère de l’acide lactique qui envahit le muscle, provoque des douleurs, puis la libération d’endorphines pour les enrayer. Chercheurs et sportifs le savent depuis longtemps : l’activité physique déclenche une sensation de forme et de bien-être, de relaxation, grâce à la libération d’un certain nombre de neurotransmetteurs, au premier rang desquels les endorphines. Cette morphine naturelle sécrétée par le cerveau stimule le fameux circuit de la récompense, le réseau neuronal du plaisir.

Voilà pour le fonctionnement standard de la machine humaine. Mais qu’est-ce qui nous indique qu’elle est opérationnelle ? Autrement dit, que nous sommes “en forme” ? “C’est quand l’ensemble des grands systèmes organiques – détaillés au début de cet article – fonctionnent ensemble,” répond Jean-Paul Doutreloux, docteur en physiologie de l’exercice musculaire et doyen de la Faculté des sciences du sport et du mouvement humain de Toulouse. Mais encore ? “C’est monter trois étages sans être essoufflé ; ou pouvoir faire un footing de 30 minutes sans courbatures et sans séquelles,” suggère-t-il. “Etre en forme, c’est être capable de se mouvoir, résume Sébastien Ratel, sans souffrance physique, dans les activités de la vie quotidienne.” Faire le ménage, discuter en marchant…

« Ce qui est important, c’est de réconcilier les gens avec eux-mêmes »

“Notre posture et notre façon de bouger informe sur la qualité de notre élan vital, complète pour sa part l’ostéopathe Geoffroy Janier-Dubry, auteur d’un ouvrage passionnant, Le corps mode d’emploi (Le Pommier), le coeur insaisissable de la machinerie humaine : l’âme, traduit en latin ou en sanskrit par le souffle”. Etre en forme, c’est en effet bien “se porter” : avoir un coeur des poumons capables d’envoyer suffisamment d’oxygène aux muscles pour fonctionner. “Cela pourrait être, ajoute-t-il enfin, la rencontre de nos attentes (ce que je pense pouvoir faire) et de nos performances (ce que je suis capable de faire). Sans toutefois verser dans une fuite en avant, prévient l’ancienne athlète Véronique Billat, dans la recherche de la forme physique : “ce qui est important, c’est de réconcilier les gens avec eux-mêmes, clame-t-elle, loin des injonctions. Etre en forme, c’est être bien dans sa peau, c’est ‘se sentir’ en forme.” La physiologiste, qui travaille pourtant sur l’amélioration des performances sportives, insiste sur l’importance de prendre conscience de sa mobilité naturelle et de reconquérir son espace. Ce qui passe évidemment par la marche, les montées d’escalier, le running pourquoi pas – elle est l’auteure d’une “Révolution marathon” et d’une méthode d’entraînement atypique – mais plus encore, conclut-elle, par les sports collectifs qui mêlent jeu, esprit d’équipe et répondent à la quête de sens et de rapports sociaux.

Bien entendu, c’est en premier lieu notre patrimoine génétique qui détermine notre phénotype métabolique et musculaire. Mais il y a une bonne nouvelle : il est possible de modifier l’équilibre de la masse osseuse et de la masse grasse, autrement dit de changer sa composition corporelle ;  “il a été constaté, souligne Jean-Paul Doutreloux, que l’on peut transformer la nature même des fibres par une activité physique régulière”. Sursollicité, le muscle sait s’autoréparer et se consolider en synthétisant des protéines : si le nombre de fibres est fixé à la naissance, les filaments, eux, se multiplient. C’est la plasticité musculaire. “Les échanges deviennent plus performants entre oxygène et sang, souligne Rubens Valcy, préparateur physique et directeur du Centre de formation professionnelle des métiers du sport, ce qui augmente la faculté d’absorption d’oxygène dans les cellules du corps.” Autrement dit, celui-ci, sous l’effet de l’activité, améliore ses capacités, entraînant la fabrication d’un nombre plus important de cellules, c’est-à-dire aussi de mitochondries et d’énergie produite : un cercle vertueux. Ainsi, marcher d’un bon pas une heure par jour permet déjà de d’améliorer la capacité cardiaque et pulmonaire : le ventricule gauche du coeur qui assure l’essentiel du pompage du sang grossit et ses parois se musclent ; d’où une meilleure oxygénation des tissus, cerveau compris. Cette condition physique exige de se (re)mettre en mouvement, en alternant endurance à faible intensité et exercices intenses contre résistance, dont il est question dans la seconde partie de notre numéro. D’ailleurs, sachez que l’exercice aurait même au niveau de notre ADN et contribuerait à la réparation de notre patrimoine héréditaire…

Par Juliette Serfati

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