Devis qui enflent, plans non achevés, dérapages sur le chantier anglais... EDF accumule déjà les handicaps, au moment où le programme de Penly, en Normandie, doit commencer.
EDF a bien tenté de prévenir. Il y a peu de chance que le premier des nouveaux réacteurs nucléaires EPR2 qu’il doit construire à Penly
(Seine-Maritime) entre en service en 2035, comme souhaité par le gouvernement et annoncé au départ. Ce sera «d’ici à 2035-2037», au mieux, répète EDF. Si tout va bien...
La paire d’EPR2 de Penly est une version optimisée de l’EPR de Flamanville (Manche). Elle doit en effet être considérée comme une nouvelle «tête de série». Pour EDF, c’est même toute la série de trois paires, qui doit être vue comme un chantier pilote qui, au bout des six, doit atteindre un rythme de croisière, afin d’en construire d’autres. «Il faut faire un premier palier de six [EPR2, ndlr] par paire de deux pour démontrer que l’on sera capable de faire un EPR2 de série qui soit compétitif en termes de délais de réalisation et de coût d’électricité produite», a expliqué aux sénateurs Joël Barre, le délégué interministériel au nouveau nucléaire.
Dès 2022, Emmanuel Macron avait demandé à EDF d’étudier la construction de huit EPR2 supplémentaires d’ici à 2050. Une option qui doit être confirmée cet été. Même si EDF arrive à prolonger le parc nucléaire historique à soixante, voire quatre-vingts ans, il va falloir bien plus de six EPR2 pour répondre à la demande d’électricité croissante pour sortir des énergies fossiles.
Une facture plus salée
Or, les retours d’expérience des premiers EPR construits en Chine, en Finlande, en France, et ceux à venir au Royaume-Uni, à Hinkley Point C, ont montré qu’ils n’étaient pas adaptés à la construction en grande série. EDF a revu sa copie en standardisant ce qui pouvait l’être et en simplifiant, notamment l’enceinte béton du réacteur. Il a donc dû refaire des études et des plans, et redemander des devis aux fournisseurs. Un travail qui était très loin d’être achevé en 2021 lorsqu’il a donné un premier chiffrage des six EPR2, hors coûts financiers : 51,2 milliards d’euros. Et, sans grande surprise, la facture sera plus salée. «Nous réalisons une nouvelle évaluation économique. Elle a conduit à un chiffre supérieur aux 52 milliards», a déclaré Xavier Ursat, le directeur du nouveau nucléaire d’EDF, en janvier. Le montant pourrait même atteindre 67 milliards d’euros, selon «Les Échos».
La première estimation ne reflétait que «les coûts de construction» bruts sans prendre en compte «aucun coût de maîtrise d’ouvrage ou d’acquisition de terrain», a-t-il justifié. Les devis des fournisseurs s’avéreraient identiques, «un peu au-dessus de ce que l’on imaginait». Surtout, il faut en refaire, le design ayant évolué. Pire, il n’est toujours pas figé. EDF qui devait finir la conception fondamentale des EPR2 en novembre 2023 est en retard. Il ne devrait la finaliser qu’au milieu de cette année. Il y aurait notamment encore du travail d’ingénierie à réaliser en particulier sur les bâtiments nucléaires. Les plans de détails sont cruciaux pour établir une bonne estimation des coûts et surtout des plannings de construction, comme EDF l’a constaté en Angleterre, à Hinkley Point C, qui coûtera 5 milliards de plus. Ils auront donc très peu de chances d’être achevés au début de la construction. EDF, qui annonce «un plan de compétitivité avec les fournisseurs», promet néanmoins un nouveau chiffrage, complet celui-ci, d’ici à la fin de l’année.
Vous lisez un article de L'Usine Nouvelle 3729 - Avril 2024
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