Déchets nucléaires ou matières valorisables : une question à 18 milliards d’euros, selon Greenpeace

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Publié le 11 septembre 2019

Greenpeace a voulu frapper un grand coup. Alors qu’une réunion publique est organisée ce mercredi 11 septembre à Paris sur le coût des déchets nucléaires dans le cadre du débat public sur la gestion des matières et déchets radioactifs, l’ONG publie un rapport choc sur les coûts cachés du nucléaire. Elle a calculé que 360 000 tonnes de matières dites valorisables devraient être requalifiées en déchets. Pour EDF, il n'y a pas urgence à trancher la question.

Les coûts cachés du nucléaire. C’est le titre du nouveau rapport de Greenpeace, publié ce mercredi 11 septembre alors qu’une réunion publique se tient dans la soirée sur le sujet à Paris. L’ONG estime qu’au moins 90 % des matières nucléaires présentées comme valorisables par l’industrie sont en fait des déchets radioactifs "qu’elle refuse d’assumer". Si ces matières étaient requalifiées en déchets, cela engendrerait un surcoût d’au moins 18 milliards d’euros pour assurer leur gestion et nécessiterait de doubler les capacités de stockage.

"Ce que nous démontrons dans ce rapport, c’est que la crise des déchets nucléaires est largement sous-estimée alors même qu’aucune solution n’existe pour s’en débarrasser. Dans les faits, la distinction entre “matières” et “déchets” n’a pas lieu d’être puisque seule une infime partie des matières radioactives est réutilisée. Aussi quand l’industrie parle de ‘recyclage’, c’est du pur greenwashing" accuse Alix Mazounie, chargée de campagne Énergie à Greenpeace France.

Moins de 3 % des matières nucléaires sont valorisées

Le rapport passe au crible cinq matières issues du cycle de vie du nucléaire (voir graphique ci-dessous) : l’uranium appauvri produit pendant la fabrication du combustible (315 000 tonnes) ; les combustibles usés en attente de retraitement (11 500 tonnes) ; l’uranium de retraitement obtenu à partir des combustibles usés (30 500 tonnes) ; l’uranium de retraitement usé (630 tonnes) et les combustibles Mox usés issus du recyclage du plutonium (2 300 tonnes).

Infog ok Cycle de vie du combustible nucléaire

Sur ces cinq matières, moins de 3 % sont actuellement valorisées. Pour Greenpeace, le reste devrait être requalifié en déchets car "les perspectives de réutilisation proposées par la filière sont trop incertaines, inabouties et lointaines". Cela représente 360 000 tonnes de matière ou encore 300 000 m3, à fin 2017. Et coûterait à cette date, en termes de stockage, 18 milliards d’euros à la filière, dont un peu plus de 15 milliards pour EDF. "Une somme que les exploitants doivent impérativement anticiper" soutient Greenpeace.

"Nos calculs nous ont permis d’estimer que les volumes de déchets de haute activité à vie longue (HA-VL) sont cinq à sept fois supérieurs aux chiffres officiels. Or, il s’agit des déchets les plus radioactifs et les plus complexes à gérer puisqu’ils supposent une solution de stockage fiable pour des dizaines de milliers d’années ou plus. Cela signifie qu’il faudrait a minima doubler les dimensions du projet Cigéo à Bure”, commente Florence de Bonnafos, chargée de campagne Finances à Greenpeace France.

Pas d'urgence

Ces chiffres sont d’autant plus inquiétants que le CEA vient d’annoncer qu’il abandonnait son réacteur de 4e génération Astrid, prévu pour utiliser une partie des matières radioactives issues du parc français et actuellement stockées sur le site Orano de La Hague (Manche). Un débouché de moins pour EDF. Mais l'énergéticien assure avoir provisionné les coûts d'entreprosage, conditionnement et stockage de ces matières (environ 3 000 tonnes) à hauteur d'1,6 milliard d'euros. EDF précise avoir aussi provisionné 41 milliards d'euros pour la gestion des combustibles usés, des déchets nucléaires et des opérations de démantèlement.

"La fin d'Astrid n'a donc pas d'impact sur nos comptes" explique Sylvain Granger, directeur de la Direction des Projets Déconstruction et Déchets pour EDF. L'énergéticien rappelle qu'il prévoit par ailleurs d’utiliser à nouveau de l’uranium de retraitement dans certaines de ses centrales, notamment dans celle de Cruas (Ardèche), à partir de 2023. "Les industriels sont aujourd'hui incités à recycler, alors pourquoi se fermer des portes et s'interdire de recycler certaines matières à tout jamais ? Il n'a pas d'urgence, en termes de sécurité, à trancher cette question aujourd'hui."

L'avenir de ces matières nucléaires va surtout dépendre des inflexions décidées par le gouvernement pour l'avenir de la filière quant à la prolongation des réacteurs à 60 ans, la construction de nouveaux EPR ou encore la relance de centrales de 4e génération dans la seconde moitié du siècle. 

Concepcion Alvarez, @conce1 

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