La France pourrait connaître des difficultés d'approvisionnement électrique en cas de vague de froid au mois de février, la crise sanitaire ayant perturbé la maintenance des réacteurs nucléaires, a mis en garde le gestionnaire du réseau jeudi.
La situation pour l'hiver est celle d'un "mois de décembre plus serein que prévu, un mois de janvier normalement tendu en cette période statistiquement la plus froide de l'année, et enfin un mois de février difficile", a détaillé le président de RTE Xavier Piechaczyk, lors d'une conférence de presse.
Pour cet hiver, RTE a prévenu depuis longtemps que la "vigilance" serait de mise, ce qui a été confirmé jeudi.
En cause: la pandémie de Covid-19 qui a bousculé le planning de maintenance des réacteurs nucléaires au printemps, au moment où sont habituellement effectués ces travaux en prévision de l'hiver. La question est particulièrement sensible pour la France, dont la production électrique est à 70% nucléaire.
EDF est finalement parvenu à réorganiser ces arrêts et a économisé du combustible pendant l'été afin de conserver des capacités de production pour la saison froide.
Mais certains réacteurs devront bien finir par être arrêtés: ils devraient être 13 à ne pas produire sur les 56 du parc fin février, contre deux à quatre les années précédentes. Il y aura alors environ 10 gigawatts de disponibles en moins par rapport à fin janvier.
En outre, des incertitudes demeurent sur le moment du redémarrage des deux réacteurs de la centrale de Flamanville (Manche) actuellement à l'arrêt.
"En février, compte tenu de la réduction du parc de production, le risque est accru par rapport aux années précédentes", a souligné M. Piechaczyk.
"Ce qui poserait problème serait une vague de froid durable, particulièrement intense, ou alors une vague de froid combinée à d'autres facteurs défavorables comme une absence de vent", a-t-il ajouté.
La France a aussi arrêté cette année les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin), une décision politique critiquée par les syndicats d'EDF et certains élus locaux. Mais "il n'était pas techniquement envisageable de revenir en arrière quand la crise du Covid est arrivée en Europe", a souligné le président de RTE.
- "Pas de blackout" -
En outre, le niveau de la consommation en février reste incertain. La demande électrique est aujourd'hui 5% inférieure à la normale en raison de la crise sanitaire, mais ce ne sera pas forcément le cas dans trois mois.
Face à ces difficultés, RTE rappelle que plusieurs leviers sont à sa disposition pour assurer l'approvisionnement et éviter une panne généralisée, le "blackout".
Parmi ces solutions figurent l'arrêt de la consommation d'industriels gros consommateurs d'électricité ou une légère baisse de la tension sur le réseau de distribution.
Des coupures localisées et temporaires peuvent enfin être organisées "en tout dernier recours". Ces mesures dites de "délestage" consisteraient à priver d'alimentation électrique environ 200.000 foyers à la fois pendant 2 heures, tout en épargnant les installations sensibles comme les hôpitaux.
"A l'extrême, on peut envisager des coupures très courtes", a ainsi rappelé la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili jeudi matin.
Mais "il n'y aura pas de +blackout+", a-t-elle assuré.
La France, qui est globalement exportatrice nette en matière d'électricité, pourra aussi compter sur ses voisins et importer en cas de coup dur. Une nouvelle interconnexion avec l'Angleterre, IFA2, doit d'ailleurs être mise en service en décembre.
"On estime qu'en situation de vague de froid on pourrait compter sur quasiment 9 gigawatts d'import", a précisé Thomas Veyrenc, directeur stratégie et prospective de RTE.
RTE a par ailleurs annoncé jeudi la généralisation à toute la France du dispositif "Ecowatt", qui existe déjà en Bretagne et Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Un site internet permet ainsi de guider les consommateurs sur leur consommation d'électricité. En cas de tension sur l'approvisionnement, un texto peut inviter les Français qui se sont inscrits à baisser ou décaler leur consommation.