Face aux contraintes et aux polémiques, la filière éolienne inquiète pour son avenir

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Publié le 12 octobre 2020

Contraintes géographiques et administratives, contestations locales, recours systématiques, polémiques … La filière éolienne est attaquée de toutes parts depuis plusieurs mois. Pourtant, dans sa feuille de route, le gouvernement lui accorde une place de choix dans le futur énergétique du pays. Reste à traduire cette volonté sur le terrain au risque sinon de mettre en péril l’une des sources d’électricité de demain.

Le gouvernement mise sur l’éolien pour réussir la transition énergétique du pays. La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) 2023-2028, publiée en début d’année, prévoit en effet de multiplier par 2,5 les capacités de production éoliennes terrestres d’ici 2028 et de continuer à développer l’éolien en mer. Pourtant, "l’absence d’avancées quant à la libération de nouveaux espaces ou la levée de contraintes rend l’atteinte de ces objectifs irréalistes", prévient France énergie éolienne (FEE). En outre, la contestation reste forte sur le terrain et les nombreux recours freinent l’avancée des projets.

L’éolien occupe aujourd’hui la deuxième place dans la production électrique à partir d’énergies renouvelables, derrière l’hydraulique, avec une puissance raccordée totale de 17 gigawatts. Et cette source fournit 8,7 % de la consommation électrique française. Corolaires à ces performances, les créations d’emplois ont fortement augmenté. Fin 2019, la filière comptait plus de 20 200 emplois et en avait créé 2 000 en un an, soit une croissance de 11 % par rapport à l’an passé. Mais l’avenir de l’éolien semble plus que jamais en danger.

47 % du territoire interdit à l'éolien

De l’aveu même du Président de la République, début janvier, "la capacité à développer massivement l'éolien est réduite". Il existe de fait une limite concrète puisque 47 % du territoire national ne peut à l’heure actuelle recevoir de mâts. Terrains militaires, zones couvertes par des radars, proximité avec des bâtiments classés, respect de sites naturels classés, couloirs de migrations des oiseaux… "Il existe des marges de manœuvre mais nous craignons que le dialogue entamé avec le service des Armées n'aboutisse pas à la levée de certaines contraintes, avec le risque même que celles-ci puissent s'accentuer", commente Rosaline Corinthien, présidente de la Commission éolien terrestre du syndicat des énergies renouvelables (SER).

Autre obstacle : celui lié cette fois à la hauteur des mâts. "Il y a des zones entières avec des plafonds de hauteur, qui ne sont pas forcément justifiés, poursuit Pauline Lebertre, déléguée générale de FEE. Or, si l’on veut optimiser nos parcs, il faut pouvoir installer des éoliennes plus performantes, qui sont un peu plus hautes avec des pâles beaucoup plus grandes. Par exemple, sur le port de Boulogne-sur-Mer, nous allons pouvoir remplacer les quatre éoliennes existantes par une seule".

Des organisations anti-éoliennes très influentes

En outre, si 80 % des Français ont une bonne image des énergies renouvelables, selon une étude datant de 2019, les contestations sur le terrain sont toujours légion. Dans le Maine-et-Loire, les élus de la communauté de communes du Thouarsais viennent ainsi de voter à l’unanimité contre un nouveau projet d’éoliennes. Les recours, quant à eux, se multiplient, ralentissant l’avancement des projets, qui mettent en moyenne sept à huit ans à aboutir contre quatre à cinq ans dans le reste de l'Europe. Dans l'Hexagone, on compte 70 % de recours contre les projets éoliens.

À cela viennent s'ajouter les polémiques. En septembre, le manque de vent, en pleine période de maintenance des réacteurs centrales nucléaires compliquée par la fermeture de Fessenheim, a poussé la France à rallumer ses centrales du charbon, nourrissant la contestation sur le bien-fondé de l’éolien. D'autres dénoncent la nuisance visuelle due aux balisages (ces lumières qui clignotent la nuit). Enfin, des dégâts sur les populations d'oiseaux sont aussi mis en avant. 

"La filière a les capacités techniques d’atteindre les objectifs, manquent les moyens, alerte Pauline Lebertre. Pour l’instant, nous restons vigilants face à des organisations anti-éoliennes de plus en plus structurées, très influentes et disposant de beaucoup de moyens. Nous sommes empêtrés dans cette politique politicienne qui risque de nous faire perdre du temps et de l’énergie." Après un livre pamphlet publié par Fabien Bouglé, porte-parole du Réseau national anti-éolien Ulysse, un documentaire serait en préparation par les chefs de file de la contestation.  

Concepcion Alvarez @conce1

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