Garanties à l’export : le gouvernement annonce l’arrêt du soutien public pour les projets de pétrole et de gaz

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Publié le 14 octobre 2020

À partir de 2025, la France n’apportera plus aucune garantie publique pour les projets pétroliers portés à l’étranger par des entreprises tricolores. Ce sera 2035 pour le gaz. Pour Bruno Le Maire, c’est une avancée majeure pour faire du pays la première grande économie décarbonée. En revanche, les ONG dénoncent des échéances bien trop lointaines.

La décision avait déjà été mise en place pour le charbon et la fracturation hydraulique. Ce seront désormais toutes les énergies fossiles qui seront concernées. Le ministre de l’Économie, Bruno le Maire, a annoncé la fin des garanties de financement des exportations pour les projets d'exploitation pétrolière dès 2025, et gazière en 2035. De plus, dès le 1er janvier 2021, tous ces soutiens prendront fin pour les "pétroles extra-lourds, schistes et sables bitumineux », ainsi qu’aux « centrales thermiques dégradant le mix électrique du pays récipiendaire".

"C'est la première fois qu'un pays exportateur présente une stratégie pour ses exportations de lutte contre le réchauffement climatique", s’est félicité Bruno Le Maire lors d'une conférence de presse à l'Assemblée nationale le lundi 12 octobre. La France compte en effet de nombreuses entreprises qui exportent leur savoir-faire dans le secteur des énergies fossiles. Parmi elles, on compte les énergéticiens EDF et Engie, la major pétrolière Total et quelques entreprises parapétrolières majeures comme Technip FMC, CGG ou Vallourec.

Pour Bruno le Maire, cette mesure s’inscrit dans l'ambition du plan de relance de faire de la France "la première grande économie décarbonée européenne". Mais elle n’est pas sans conséquence précise toutefois un rapport parlementaire à l’origine de cette initiative. Pour le pétrole, elle pourrait coûter "jusqu'à 1 800 emplois compte tenu de la demande croissante de plusieurs compagnies pétrolières du Golfe d'établir des lignes de crédit de plusieurs milliards d'euros avec des agences de crédit export européennes", selon le rapport.

Question d’emplois et de transition

Dans le contexte de la crise sanitaire et économique en cours, le secteur pétrolier souffre énormément de la chute des cours du baril. Des milliers d’emplois devraient déjà disparaitre dans les mois à venir, et bien plus à l’échelle de toute l’industrie tricolore. C’est pourquoi le gouvernement doit suivre une ligne de crête pour accélérer le verdissement du budget de l’État sans alourdir le contexte économique des entreprises. C’est pourquoi l’or noir bénéficie de ce délai de grâce.

Pour le gaz, "la situation sera réévaluée régulièrement" d'ici à 2035 "pour fixer l'échéance la plus adaptée aux enjeux climatiques et industriels, en garantissant un délai d'au moins quatre ans entre la décision d'arrêt de l'éligibilité au soutien export et sa mise en œuvre effective". "Cette dernière mesure aurait l'impact le plus important sur l'emploi, avec environ 3 000 emplois perdus". Surtout, le gaz bénéficie de ce délai en raison de son statut "d’énergie de transition" entre les fossiles les plus émetteurs et les énergies les plus décarbonnées.

Plus de 9 milliards d’euros de garanties

Depuis 2009, la France a octroyé 9,3 milliards d'euros de garanties publiques pour l'industrie du pétrole et du gaz, via son agence de crédit à l'exportation Bpifrance Assurance-Export. L'encours sous garantie des projets parapétroliers et paragaziers s'élevait au 31 mai 2020 à 2,7 milliards d'euros, selon le gouvernement, soit 4 % du total des garanties export. Concernant l'ensemble du dispositif de soutien à l'export, le rapport défend un "bonus climatique" pour les projets durables portés par les entreprises françaises. L’attribution s’effectuerait selon la taxonomie européenne sur les investissements verts.

L'ONG Les Amis de la Terre a dénoncé dans un communiqué des mesures "anecdotiques" qui "ne forcent pas les industriels français actifs dans le secteur des hydrocarbures à changer de modèle économique". Elle conteste également le nombre d’emplois menacés. Elle ajoute : "Le gaz n'est pas une énergie de transition comme le prétendent l'industrie fossile et le gouvernement. C'est justement parce que le secteur est en pleine expansion qu'il faut le freiner de toute urgence".

Ludovic Dupin @LudovicDupin

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