L'État contraint EDF à contenir la facture d'électricité des Français et lui ajoute une difficulté de plus

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Publié le 14 janvier 2022

Une semaine noire pour EDF. Après l'annonce de nouveaux retards de livraison de son réacteur EPR et le prolongement de la mise à l'arrêt d'importants réacteurs nucléaires, l'État impose désormais à l’électricien la vente de plus d'électricité à bas prix à ses concurrents. Si l’objectif est de protéger le pouvoir d'achat des Français et des entreprises, le coût pour le groupe est colossal.

Coûte que coûte, le gouvernement veut tenir sa promesse de limiter à 4 % la hausse de la facture d'électricité des Français en 2022, dans un contexte de retour de l’inflation. Pour ce faire, l'exécutif a obtenu le feu vert de Bruxelles d'augmenter le volume d'électricité nucléaire vendu à prix réduit par EDF à ses concurrents, "de 100 à 120 TWh", a annoncé Bruno Le Maire dans un entretien au Parisien. "Ces volumes seront accessibles à tous les consommateurs, particuliers, collectivités comme professionnels, via leur fournisseur, selon des modalités qui seront précisées très prochainement", a précisé le ministère de la Transition écologique dans un communiqué. "Les fournisseurs répercuteront intégralement l'avantage retiré au bénéfice des consommateurs", ajoute le ministère qui promet une surveillance étroite.

Cette mesure coûtera entre 7,7 et 8,4 milliards d'euros à EDF, a estimé Bruno Le Maire, en terme d'impact sur son excédent brut d'exploitation. Afin de limiter la facture, le gouvernement a concédé une hausse du prix régulé qui passe de 42 à 46,2 euros/MWh, contre près de 250 euros sur le marché actuellement.

Le gouvernement insiste sur le fait qu’il s’agit d’une mesure exceptionnelle, prise aussi pour éviter de très grandes difficultés à des industriels "électro-intensifs" qui ne bénéficient pas de la protection des consommateurs domestiques. Le plafond devrait ainsi revenir à 100 TWh en 2023. "Nous remercions EDF de faire cet effort pour l'intérêt général, évidemment nous serons aux côtés d'EDF pour les aider à passer cette difficulté", a déclaré Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique sur LCI. L’association de consommateur CLCV se félicite que le gouvernement "tienne sa parole et que cette mesure ne comprenne aucun report de majoration tarifaire pour l’année prochaine".

Les difficultés s’accumulent pour l'énergéticien 

Mais d’autres s'inquiètent des conséquences financières pour le groupe. "Du coup, ça ne va pas être 40 % de la production d'EDF, mais 50 % qui va être en soldes permanentes à la concurrence", a réagi auprès de l'AFP Philippe Page le Mérour, secrétaire (CGT) du CESC d'EDF à l'évocation de cette mesure. Il avait d'ores et déjà pesté dans la semaine contre ce mécanisme, le qualifiant de "poison" qui contribue à la dette d'EDF. "Les conséquences financières pour le groupe EDF ne peuvent pas être déterminées de façon précise à ce stade", a prévenu l'énergéticien. Le groupe a toutefois d’ores et déjà suspendu l'une de ses prévisions financières, qu'il n'est plus certain de pouvoir tenir avec cette demande du gouvernement. En Bourse, EDF chutait de plus de 20 % après cette annonce.

D’autant que les difficultés s’accumulent pour l'énergéticien qui a annoncé cette semaine de nouveaux retards de livraison de son réacteur nucléaire de nouvelles générations EPR en construction à Flamanville (Manche).

Par ailleurs, des problèmes de corrosion sur d’importants réacteurs contraignent le groupe à prolonger leur mise à l’arrêt. "Les quatre plus gros réacteurs du parc nucléaire français ne pourront pas être remis en marche avant l’automne, voire avant la fin de l’année", indique Europe 1. Le groupe a donc revu à la baisse sa prévision de production nucléaire pour 2022, à 300/330 TWh, contre 330/360 TWh précédemment. Cet arrêt prolongé, qui devrait coûter plusieurs milliards d’euros à EDF, arrive au pire moment puisque la disponibilité de ses réacteurs est à son plus bas niveau historique avec 10 réacteurs sur 56 arrêtés, soit 20% de la capacité de production nucléaire française. De plus, un réacteur de la centrale de Penly (Seine-Maritime) est également concerné par ce problème de corrosion. La crainte est désormais que d'autres réacteurs soient concernés, une nouvelle particulièrement inquiétante en plein hiver lorsque la consommation est forte.

Résultat, le gestionnaire du réseau électrique RTE a alerté début janvier sur le risque de ne pas avoir assez d’électricité pour passer l’hiver. Pour éviter le black-out, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a pris la décision d’augmenter la quantité d’électricité produite par les centrales à charbon.

Mathilde Golla @Mathgolla avec AFP

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