La deuxième vague de la pandémie de Covid-19 fait de nouveau vaciller l'industrie pétrolière mondiale. Sous tension depuis le printemps, celle-ci redoute plus que jamais l'impact des nouvelles mesures de confinement sur la consommation d'or noir. "Cela risque d'être plus compliqué à gérer car nous sommes aujourd'hui sans filet" confie-t-on au sein d'un grand groupe français. La conjoncture est en effet des plus moroses comme l'a démontré lundi 2 novembre la chute des prix du Brent (référence européenne) et du WTI (pétrole américain). A 13 heures, les deux principales références mondiales de brut s'affichaient à des niveaux semblables à ceux de mai, à 37 dollars (pour le Brent) et 35 dollars (WTI), après avoir déjà respectivement reculé de 9% et de 10% la semaine dernière. "Après (...) des mois coincés dans une fourchette étroite autour de 40 dollars le baril, le Brent et le WTI succombent aux pressions baissières", juge Stephen Brennock, analyste de PVM. En cause, "l'aggravation de la pandémie qui aura un impact négatif sur l'activité économique et entraînera une baisse de la demande" ajoute-t-il.
Fortement malmenés par la chute des cours du printemps liée à la baisse de la demande et à la guerre des prix entre l'Arabie saoudite, la Russie et les États-Unis, plusieurs compagnies du secteur parapétrolier sont aujourd'hui exsangues. En tête des groupes les plus menacés,
on retrouve CGG. Le spécialiste de la géophysique, qui a frôlé la faillite en 2017, subit de plein fouet la baisse des dépenses d'exploration des majors pétrolières et pourrait recourir à des licenciements. Le groupe parapétrolier Schlumberger, qui a supprimé cette année 21.000 emplois, soit un quart de ses effectifs à travers le monde, est également dans le rouge. Autre parapétrolier à avoir taillé dans ses effectifs : Vallourec. Le fabricant de tubes sans soudure en acier a annoncé en avril les licenciements de 900 de ses employés en Amérique du Nord. Au total, selon le cabinet Rystad Energy, plus de un million d'emplois du secteur parapétrolier devraient être amenés à disparaître en 2020.
Situation tendue pour les "oilmen" américains
Ce coup de semonce frappe aussi de plein fouet les principales majors de la planète (ExxonMobil, BP, Total, Equinor...). Selon le Financial Times, elles se sont même constituées un véritable trésor de guerre en levant, depuis mi-mars, 32 milliards de dollars sur le marché obligataire pour faire face à l'effondrement des cours. Pour UBS, les plus grandes compagnies pétrolières mondiales vont également investir 20 % de moins que prévu en 2020. Le russe Lukoil ou le saoudien Aramco réduiront eux la voilure de 25 %, prédit la banque suisse. Quant à certains grands projets comme ceux en haute mer de Total, dans le Golfe du Mexique et au Nigeria, UBS prévoient qu'ils seront retardés.
Autres victimes de cette baisse des cours : les producteurs de pétrole de schiste aux Etats-Unis. Moins rentables que leurs rivaux, les "oilmen" américains ne parviennent plus à faire des bénéfices avec un baril aussi bas et voient leur endettement s'envoler. Selon UBS, ils ont aussi réduit leurs dépenses de 40% ces derniers mois. "Les conséquences vont être terribles, prévient Benjamin Louvet, gérant matières premières chez OFI Asset Management. Les pétroliers américains ont des assurances qui ne couvrent que 43% de leur production pour 2020. Et en plus le pétrole de schiste se vend aujourd'hui bien moins cher que le WTI". Symbole de ces difficultés : le grand pétrolier du Dakota, Whiting Petroleum, a annoncé au printremps entrer en processus de faillite en raison du "sévère retournement du marché".