Le cap nucléaire d’Emmanuel Macron pourrait déstabiliser le Green Deal européen

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Publié le 10 novembre 2021

En pleine COP26, le président français a annoncé lors de son allocution du 9 novembre sa volonté de relancer "la création de réacteurs nucléaires pour garantir la souveraineté électrique de la France" et "atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050". Cette stratégie nationale n’est pas celle du Pacte Vert européen mais la France semble prête à utiliser sa présidence de l’Union qui débute le 1er janvier 2022, pour intégrer sa priorité nucléaire aux dispositifs européens. 

Attendu sur le COVID  et la vaccination, Emmanuel Macron a décidé d’inclure un autre thème à sa demi-heure télévisée : le nucléaire. "Pour garantir l’indépendance énergétique de la France, l’approvisionnement électrique de notre pays et atteindre nos objectifs de neutralité carbone en 2050, nous allons, pour la première fois depuis des décennies, relancer la création de réacteurs nucléaires dans notre pays".

Cette annonce floue du lancement de nouveaux EPR français dont le nom n’a pas été prononcé, vient compléter celle de futures petites centrales présentées dans le cadre de son plan France 2030. Elle n’a été ni détaillée ni chiffrée et a précédé une allusion aux énergies renouvelables mais elle a clairement été inscrite par Emmanuel Macron dans le cadre de la COP26 et de la Présidence Française de l’Union Européenne qui commence, pour six mois, le 1er janvier prochain.

Or la bataille française pour faire du nucléaire une activité verte rencontre de fortes réticences auprès de ses partenaires européens. En septembre, l’électricité nucléaire a été exclue de l’emprunt de 750 milliards d’euros lancée par la Commission pour financer son Pacte Vert qui alimente le plan de relance français lancé en septembre 2020. Ce refus a intensifié le bras de fer engagé autour de la taxonomie, ce référentiel qui définit les activités compatibles avec les objectifs environnementaux de l’Union. La France veut y inclure le nucléaire, les pays d’Europe de l’Est le gaz. Du coup la première a fait alliance avec les seconds pour que ces deux énergies figurent dans le prochain texte que la Commission doit publier en décembre sur la taxonomie.

Inquiétudes et déceptions

Cela fait bondir le député européen Bas Eickhout, rapporteur de la taxonomie. Dans une interview à l’EU Observer, le Néerlandais résumait ainsi la situation "la pression exercée lors du dernier sommet européen par Emmanuel Macron qui a menacé de bloquer la taxonomie si le nucléaire n’y était pas inclus, crée de l’incertitude sur tout le processus de définition des activités vertes. Cela peut faire dérailler le Green Deal et compromettre le leadership européen sur le climat puisque si le gaz fait partie de la taxonomie, cela fera bénéficier de subventions européennes une énergie fossile." 

Que les Etats membres soient loin de tous partager la stratégie environnementale de l’Union très clairement présentée lors du sommet organisé par la Commission le 7 octobre dernier, n’est pas nouveau. En revanche qu’elle soit mise à mal par la France et le Président qui avait activement soutenu le plan d’action sur la finance durable lors de sa publication en 2018,  soulève inquiétudes et déceptions chez les partisans de Pacte vert européen.

Anne-Catherine Husson-Traore,  @AC_HT, Directrice générale de Novethic

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