Le nucléaire pourrait intégrer la nouvelle directive européenne sur les énergies renouvelables

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Publié le 14 février 2023

La France se bat pour introduire l'hydrogène bas-carbone, produit à partir de nucléaire, dans la directive européenne révisée sur les énergies renouvelables. Mais plusieurs pays, dont l'Allemagne et l'Espagne bloquent. La Commission européenne vient de reconnaître que le mix décarboné d'un pays pouvait être un critère déterminant dans la comptabilisation d'hydrogène renouvelable, une victoire qui marque une première étape. Pour l'instant, les négociations autour de la directive énergies renouvelables se poursuivent. 

C’est une guerre larvée qui se joue depuis plusieurs mois à Bruxelles. La France tente d’imposer le nucléaire dans la directive révisée sur les énergies renouvelables (RED 3), dont l’objectif est de doubler leur part dans le mix énergétique européen d’ici 2030. Le texte comprend une partie sur les transports qui inclut l’hydrogène parmi les carburants renouvelables avec des objectifs de consommation ambitieux. Dans le détail, Paris défend la prise en compte d’un hydrogène bas-carbone, produit à partir d’électricité nucléaire, et pas uniquement à partir d'électricité renouvelable, au risque sinon de ne pas atteindre ces objectifs.

Mais plusieurs pays, Allemagne et Espagne en tête, s’y opposent malgré des déclarations favorables à l’hydrogène bas-carbone lors de sommets bilatéraux avec la France ces dernières semaines. "Interdire à la France d’utiliser le nucléaire pour produire de l’hydrogène bas-carbone, alors que c’est une énergie qui émet moins de carbone que le photovoltaïque ou l’éolien est une position climaticide et absurde. C’est tout à fait contraire à nos objectifs de décarbonation", a réagit la ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher lors d’un briefing presse.

"Une première victoire"

Une publication de la Commission européenne vendredi 10 février pourrait toutefois changer la donne. Avec deux ans de retard et après de multiples pressions de la part des États européens, la Commission a publié deux actes délégués très attendus, qui reconnaissent que, dans un mix largement décarboné comme c'est le cas de la France, la production d'hydrogène peut être comptabilisée dans les objectifs d'hydrogène renouvelable jusqu'à un certain seuil.

"Le travail de conviction que j’ai porté auprès de mes collègues européens a porté ses fruits et je remercie les parlementaires européens qui se sont également mobilisés. La publication de ces actes délégués reconnaît les efforts de décarbonation réalisés par la France. Il faut maintenant appliquer cette logique à nos objectifs d'hydrogène renouvelable dans la directive RED3. C'est un point dur pour la France et pour ses partenaires et nous n'y sommes pas encore", a déclaré ’Agnès Pannier Runacher.

Ce texte ne met en effet pas fin aux négociations sur la directive énergies renouvelables. "Les négociations sont toujours bloquées et nous restons extrêmement préoccupés car les objectifs définis actuellement ne prennent pas en compte le mix décarboné comme nous le demandons. C’est pourtant une mesure de bon sens", insiste le cabinet de la ministre. Il évoque sans équivoque un risque de blocage.

Risque de blocage

Le 1er février, la France et huit autres États-membres - Roumanie, Bulgarie, Pologne, Slovénie, Croatie, Slovaquie, Hongrie, République tchèque – avaient envoyé une lettre à la Commission européenne lui demandant de proposer un amendement au projet de directive pour intégrer l’hydrogène bas-carbone dans les objectifs d’hydrogène renouvelable de l’UE. Ces pays pourraient constituer une minorité de blocage sur la directive énergies renouvelables, pourtant indispensable à la décarbonation de l’industrie.

"Ce risque existe", confirme la ministre Agnès Pannier-Runacher. "Nous ne disons pas que le nucléaire est une énergie renouvelable mais nous demandons que l’électricité bas-carbone soit reconnue. Nous avons investi depuis des années dessus, nous sommes l’un des pays les plus décarbonés de l’Union européenne, nous ne pouvons pas être sanctionnés pour cela", poursuit son entourage.

Le dossier rappelle un autre bras de fer remporté par la France sur le nucléaire – et par l’Allemagne sur le gaz fossile. Il s'agissait d’intégrer ces deux énergies à la taxonomie européenne, une classification des activités économiques ayant un impact favorable sur l'environnement. Greenpeace vient d'ailleurs d’annoncer qu’elle allait poursuivre la Commission européenne devant la Cour de justice de l’Union européenne sur ce sujet. Un scénario qui pourrait se répéter sur la directive énergies renouvelables.    

Concepcion Alvarez @conce1

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