Logements neufs : le gouvernement veut favoriser l'électricité et bannir le gaz

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Publié le 01 décembre 2020

Changement de donne pour les logements neufs. Le ministère de la Transition écologique vient d'annoncer une nouvelle règlementation (RE 2020) qui va peu à peu bannir le gaz, à la faveur de l'électricité. Pour éviter un recours massif aux convecteurs électriques, très énergivores, le gouvernement souhaite favoriser les pompes à chaleur et va fixer un seuil maximum de consommation d'énergie non renouvelable.

Depuis de nombreux mois, la bataille fait rage entre les producteurs gaziers et les électriciens, EDF en tête (dont l’État est actionnaire majoritaire), pour chauffer les logements neufs. Privilégiée dans les années 1980, lorsque la France cherchait à diminuer sa dépendance aux énergies fossiles, l’électricité avait finalement cédé la place au gaz dans les années 2010. Mais la nouvelle Réglementation environnementale 2020 (RE 2020), présentée le 24 novembre dernier par le Ministère de la transition écologique (1), fait machine arrière.

L’un des objectifs de la RE 2020 est de réduire d’au moins 30 % la consommation d'énergie dans les logements, bureaux et bâtiments d'enseignement neufs. Pour cela, un seuil maximal d’émissions de gaz à effet de serre strict est mis en place :4 kg équivalent CO2 par mètre carré et par an (éq. CO2/m2/an) dès 2021 pour les logements individuels et 6 kg éq. CO2/m2/an pour les logements collectifs à partir de 2024.

"Ces seuils empêchent quasiment qu’il y ait du gaz dans les maisons neuves et en autorisent très peu dans le collectif, il s’agit d’une rupture majeure", assure Barbara Pompili. "Mais l'objectif n'est pas non plus de revenir aux grille-pains [en référence aux convecteurs électriques très énergivores et coûteux pour les utilisateurs, ndr]", prévient-elle.  

Un seuil maximal d'énergie non renouvelable à fixer

Pour s'en prémunir, le ministère mise en priorité sur l'installation de pompes à chaleur. Et il va fixer un critère, non détaillé pour l'heure, afin de définir un seuil maximal de consommation d’énergie primaire d’origine non renouvelable. "La mise en place de ce curseur peut faire basculer les choses. Et la déclaration d'intention du gouvernement semble aller dans le sens d'une impossibilité d'un retour en arrière", veut croire Damien Mathon, le président de la commission EnR et Bâtiment du SER (Syndicat des énergies renouvelables). 

Mais avec le tout électrique, GRTgaz, l'un des deux gestionnaires du réseau de transport de gaz en France, souligne le risque d'accentuer les pointes de consommation, alors que notre "système électrique est plus fragile du fait du développement des renouvelables, de la fermeture d'un certain nombre de tranches nucléaires et de leur vieillissement", explique Thierry Trouvé, son directeur général.

En réponse, EDF "regrette la campagne d'intoxication entretenue par certains acteurs du secteur pour éviter des décisions nécessaires pour l'atteinte des objectifs climatiques du pays tels qu'inscrits dans la stratégie nationale bas carbone", a réagi auprès de l'AFP un porte-parole du producteur d'électricité.  

1 % du parc de logements

Cette RE 2020 devrait favoriser in fine les énergies renouvelables. "Mais pour cela, il ne faut pas oublier le gaz renouvelable produit à travers la méthanisation et les réseaux de chaleur. Ces derniers ont fait de gros efforts avec une part d'énergies renouvelables passée de 26 % en 2005 à 56 % en 2017", commente Damien Mathon. Le gouvernement semble vouloir réserver le gaz renouvelable aux logements existants. "Nous pensons que c'est une mauvaise décision, car cela ne permet pas à la filière de se développer malgré son engagement d'aller vers 100 % de gaz renouvelable en 2050" réagit Patrick Corbin, président de l'Association française du gaz, qui dénonce "un quasi-monopole offert à l'électricité pour le chauffage." 

Reste enfin que ces nouvelles annonces ne concernent qu’1 % du parc de logements et leurs impacts ne devraient se faire sentir que dans un futur lointain. La priorité doit donc rester la rénovation énergétique. Mais une soixantaine d'associations s’inquiètent d’une possible remise en cause de son caractère obligatoire dans la future loi sur le climat. La Convention citoyenne pour le climat s'était prononcée pour une rénovation énergétique obligatoire d'ici à 2040. Selon un nouveau rapport du Haut conseil pour le climat (2), la France est à la traîne sur le sujet. Or, le bâtiment représente 28 % de nos émissions de gaz à effet de serre.  

Concepcion Alvarez @conce1

(1) Voir le dossier de presse du Ministère de la transition écologique sur RE 2020

(2) Voir le rapport du Haut conseil pour le climat sur la rénovation énergétique des bâtiments

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