L'Allemagne est définitivement sortie du nucléaire. Elle a fermé ses trois derniers réacteurs samedi 15 avril, entraînant une multitude de critiques, notamment sur la relance du charbon. Novethic vous propose de démêler le vrai du faux.
"La fin d’une ère". Samedi 15 avril, l’Allemagne a débranché ses trois derniers réacteurs nucléaires, conformément à un engagement pris il y a déjà une vingtaine d’années. La sortie de l'atome ayant été accélérée après la catastrophe de Fukushima (Japon) en 2011. Le gouvernement allemand se veut rassurant, "la sécurité énergétique est assurée", a-t-il répété ces derniers jours.
Mais la décision a entraîné de nombreuses critiques, notamment de la part du gouvernement français, les deux pays se livrant une bataille sur le sujet au niveau européen. "Il va de soi que la relance de l’énergie fossile pour compenser la sortie du nucléaire ne va pas dans le sens de l’action climatique que nous portons tous collectivement au niveau européen", a ainsi indiqué le cabinet de la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher.
La sortie progressive du nucléaire en Allemagne a-t-elle relancé le charbon ?
Les derniers réacteurs nucléaires encore en fonctionnement ont produit 6% de l’électricité allemande en 2022, alors que la part du nucléaire dans le mix électrique était de 30% en 2000. Comment cette baisse a-t-elle été compensée au fur et à mesure ? Quand on regarde les chiffres, on s’aperçoit que la part de charbon et lignite dans le mix électrique est passée de 50,5% en 2000 à 31,4% en 2022. A contrario, la part des énergies renouvelables a explosé, passant de 6,6% du mix électrique en 2000 à 44% en 2022.
"On ne peut pas dire que l'Allemagne remplace le nucléaire par le charbon. D'ailleurs, même en prenant les chiffres du charbon et du gaz cumulés, la tendance est bien à la baisse. Il y a bien eu quelques "rebonds" de consommation de charbon en Allemagne après des crises (c'est le cas en ce moment par exemple : reprise post-COVID + crise gazière), mais la tendance est bien à la baisse", explique sur Twitter le spécialiste Nicolas Goldberg. L’Allemagne souhaite définitivement sortir du charbon en 2038 au plus tard, et dès 2030 au plus tôt.
Que représente la part des énergies fossiles dans le mix électrique de l’Allemagne ?
C’est là où le bât blesse. Malgré, une tendance à la baisse, la part des énergies fossiles dans le mix électrique allemand représente encore 45,5%, ce qui est très élevé. "À propos du charbon, même si la tendance est à la baisse, sa persistance est très inquiétante. Il reste encore 40 gigawatts (GW) de charbon en Allemagne. C'est énorme ! Et c'est bien pour cela que fermer le nucléaire est pour le moins critiquable", complète Nicolas Goldberg. "D’un point de vue purement climatique, il aurait été plus cohérent de fermer 3 gigawatts de charbon que de nucléaire", admet également Andreas Rüdinger, chercheur à l’Iddri, interrogé par Novethic. Pour rappel, le charbon émet 270 fois plus de CO2 que le nucléaire sur l’ensemble du cycle de vie de l’installation.
Pourquoi l’Allemagne prévoit d’ouvrir de nouvelles centrales à gaz ?
Selon des documents internes, révélés par Euractiv, l’Allemagne prévoit en effet de construire jusqu’à 21 GW de centrales au gaz supplémentaires. Mais attention, on parle là de capacités supplémentaires et non pas de production. L’objectif de ces nouvelles installations est en fait de garantir la stabilité et la fiabilité du réseau électrique. Car le gouvernement allemand entend encore développer les énergies renouvelables pour atteindre 80% du mix électrique en 2030 et 100% en 2035, des objectifs extrêmement ambitieux et inégalés dans le reste du continent européen. "Le gaz n’est là que pour assurer la sécurité d’approvisionnement", confirme Andreas Rüdinger. "Mais cela implique que le pays atteigne ses objectifs en matière d’énergies renouvelables".
Où en est l’Allemagne dans le développement des énergies renouvelables ?
On constate un léger ralentissement ces dernières années avec une contestation qui commence à émerger sur les éoliennes terrestres. "Il y a six fois plus d’éoliennes par kilomètre carré en Allemagne qu’en France", rappelle le chercheur de l’Iddri. "Le contexte économique est toutefois assez favorable au développement des ENR avec un prix du carbone qui atteint les 100 euros la tonne dans l’UE et des prix du gaz et du charbon qui restent très élevés", ajoute-t-il.
"Au cours des dix dernières années, l'Allemagne n'a pas fait progresser le développement des énergies renouvelables autant qu'il aurait été nécessaire pour la protection du climat et la transition énergétique", tempère auprès de l'AFP Simon Müller, directeur Allemagne du centre d'études Agora Energiewende. Il faudra installer "4 à 5 éoliennes chaque jour" au cours des prochaines années pour couvrir les besoins, a également prévenu Olaf Scholz, le chancelier allemand. La pression est forte en effet sur l'Allemagne, qui si elle rate ses objectifs, devra encore recourir aux énergies fossiles.