Pourquoi Engie tire un trait sur le nucléaire

Il y a 3 années 756

Ca y est. Cette fois, c’est terminé ou presque. Ce vendredi 26 février, lors de la présentation des résultats annuels 2020, la nouvelle directrice générale d’Engie Catherine MacGregor a annoncé que son entreprise avait décidé d’arrêter tous les travaux de préparation qui auraient permis de prolonger de 20 ans, soit au-delà de 2025, les deux centrales nucléaires qu’elle possède en Belgique. Vu les contraintes techniques et règlementaires, cette décision qui conduit à une dépréciation d’actifs de 2,9 milliards d’euros, solde l’aventure d’Engie dans l’atome. Sauf revirement aujourd’hui improbable du gouvernement d'Alexander de Croo, Engie en aura fini avec le nucléaire d’ici cinq ans. En Belgique et dans le monde entier.

L’ex GDF-Suez avait hérité des centrales de Doel et de Tihange en reprenant dans les années 1990 Tractebel, l’EDF belge. Par la suite, le groupe avait tenté de faire du nucléaire un moteur de croissance. Ce fut une succession d’échecs. En France, Engie espérait détenir un tiers du futur EPR de Penly (Seine Maritime) aux côtés d’EDF. Mais la cohabitation avec l’ex monopole fut impossible. Engie claqua alors la porte d’un projet qui ne vit jamais le jour. En 2008, Nicolas Sarkozy avait insisté pour qu’Engie fasse partie de la dream team du nucléaire aux côté d’EDF, de Total

et de Bouygues afin de conquérir "le marché du siècle", celui des centrales nucléaires d’Abu Dhabi. Mais faute de chef de file, les sociétés ne se sont pas entendues et l’impossible est survenu. L’équipe de France du nucléaire a perdu ce marché imperdable et c’est le Coréen Kepco qui rafla la mise. Suite à cette déroute, l’Elysée commanda un rapport sur la filière nucléaire à l’ancien patron d’EDF François Roussely. Là encore ce fut pour Engie une immense désillusion. Le rapport ne mentionne l’ex GDF-Suez qu’une seule fois alors que son président d’alors Gérard Mestrallet avait rencontré à cinq reprises François Roussely.

Echecs au Royaume-Uni et en Turquie

Engie décide alors de viser le marché étranger avec comme premières cibles la Grande-Bretagne et la Turquie. De l’autre côté de la Manche, le groupe s’associe avec le Japonais Toshiba dans le projet Nugen à Moorside (nord-ouest de l’Angleterre). Mais en 2017, Engie jette l’éponge. Avec les normes post Fukushima, le projet devient trop cher, trop compliqué à financer. La même mésaventure survient en Turquie. Allié aux Japonais Mitsubishi Heavy Industry (MHI) et Itochu, Engie devait participer à la construction au bord de la mer Noire de la deuxième centrale nucléaire du pays à Sinop. Le projet qui comportait quatre réacteurs de moyenne puissance (1.100 mégawatts) de type Atmea, conçus par Areva et MHI était ambitieux. Trop sans doute. Car là encore, la centrale ne vit jamais le jour.

Suite à ce nouvel échec, Engie décida de se replier sur ses réacteurs belges… où il ne connut que des déboires. Suite à la découverte de fissures dans le béton, plusieurs unités durent s’arrêter. Dans le même temps, les relations entre Engie et Bruxelles devinrent orageuses. Alors quand le gouvernement d'Alexander De Croo confirma en septembre la sortie du nucléaire en 2025, l’ex GDF-Suez prit ses responsabilités. Il indiqua que sauf signal fort des Belges, l’énergéticien n’aurait pas le temps et les moyens de préparer une éventuelle prolongation après 2025. Comme le signal ne vint pas, Engie en tira les conséquences. Exit le nucléaire. Le groupe n'aura sans doute aucun regret. Il a aujourd’hui d’autres priorités. En premier lieu les renouvelables et les infrastructures gazières.

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