Via sa filiale TE H2, TotalEnergies développe un ambitieux projet de production à grande échelle d’hydrogène vert dans le sud tunisien et son acheminement par gazoduc jusqu’à la cote, pour alimenter l’Europe. Un accord a été signé avec le gouvernement du pays le 27 mai.
L’hydrogène vert est pour l’instant «trop cher à produire et à transporter par bateau, sous forme d’ammoniac ou de méthanol» vers l'Europe ou l'Asie, depuis les pays disposant massivement d’éolien ou de solaire, explique David Corchia, directeur de TotalERen, filiale à 100% de TotalEnergies depuis 2023, mais aussi directeur général de TE H2, une co-entreprise formée par TotalEnergies (80%) et le groupe Eren, dont il est aussi un des deux fondateurs avec Pâris Mouratoglou. Ce qui ne l’empêche pas de développer des projets d’hydrogène vert en Amérique latine, hors Brésil, en Afrique du Nord, hors Algérie, la Mauritanie, l’Australie et l’Europe. Le 27 mai, TotalEnergies et l’électricien autrichien Verbund ont signé un protocole d’accord avec Fatma Thabet Chiboub, la ministre tunisienne de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie, pour étudier la mise en œuvre du projet d’hydrogène vert H2 Notos.
Le projet vise à produire dans le sud de la Tunisie 200000 tonnes d’hydrogène vert par an durant la phase initiale, avec la possibilité d’atteindre 1 million de tonnes par an. Le but est d'utiliser de l’eau de mer dessalée et de l’électricité renouvelable produite par des parcs solaires et éoliens terrestres que TotalEnergies devra construire. L’hydrogène sera acheminé jusqu’à la côte par un hydrogénoduc construit par TotalEnergies pour alimenter le marché européen en empruntant le futur SoutH2 Corridor. Ce pipeline reliera l’Afrique du Nord à l’Italie ainsi qu'à l’Autriche et à l’Allemagne. Sa mise en service est prévue vers 2030. TE H2 aura la charge du développement, du financement, de la construction et de l’opération de ce projet intégré, de la production d’électricité verte jusqu’à la production d’hydrogène vert. Verbund coordonnera le transport de l’hydrogène produit vers l’Europe centrale.
Un projet à plusieurs milliards
Ce projet ambitieux coûtera «de nombreux milliards de dollars», prévient David Corchia. La décision d’investissement n’interviendra, au mieux qu’en 2028, «si toutes les hypothèses se confirment», indique le dirigeant de TotalEren. Il faut en effet près de deux ans d’études techniques et deux ou trois ans d’ingénierie de détail. L’objectif étant de commencer à produire en 2030 ou 2031. Il faut aussi sécuriser les clients. «Nous parlons avec beaucoup d’acheteurs, en particulier allemands, mais on ne va pas commencer à vendre un produit qu’on n’a pas encore commencé à produire», tempère le dirigeant de TE H2.
Le montage de ces projets complexes et inédits prend en effet beaucoup de temps. Au Chili, où TotalEren développe un méga projet d’hydrogène vert de 8 à 10 GW produits avec de l’éolien terrestre dans le sud du pays, en vue de l’exporter par bateau sous forme d’ammoniac, TotalEren «discute avec le propriétaire privé du terrain de 120000 hectares depuis 2019», explique David Corchia. Et la décision d’investissement n’est toujours pas prise. Le projet chilien nous «sert de laboratoire sur les aspects techniques, technologiques et sur les coûts». TotalEren développe aussi des projets en Australie et en Mauritanie. Pour les autres régions, notamment le Moyen-Orient, TotalEnergies préfère attendre et cherche des partenaires locaux, comme en Inde, où il travaille sur le sujet avec son partenaire Adani.