RTE tord le cou aux idées reçues pour ne pas dépecer le marché européen

Il y a 1 année 572

La crise de l’énergie a été vécue comme un traumatisme en France. Mais elle n’a pas été ressentie de la même façon dans les autres pays européens. "On voit cette différence de perception dès qu’on prend le Thalys pour aller à Bruxelles", résume Thomas Veyrenc, directeur exécutif de RTE. Ce matin, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité s’est livré lors d’un point presse à un décryptage du marché européen de l’électricité. Une véritable master class dans le but de clarifier un système complexe et de mettre à mal certaines approximations qui circulent sur les réseaux sociaux.

Première idée reçue : la France négocie avec les pays voisins pour acheter de l’électricité. Non, les Etats n’interviennent pas, ce sont des producteurs et des fournisseurs qui s’achètent des électrons sur un marché. Ils font des offres et les gestionnaires de réseau comme RTE s’occupent du reste. Les flux se font en fonction des capacités d’interconnexion.

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"Tempête parfaite"

Seconde contre-vérité : quand on importe de l’électricité, on est dépendant. C’est faux, la situation n’est pas aussi caricaturale. "Quand la France est en situation d’import sur la frontières Allemagne-Belgique, elle est souvent en situation d’export sur d’autres frontières, indique Thomas Veyrenc. Le moment où les capacités de production ne sont pas suffisantes en France ne dépasse pas 1% du temps." Enfin, troisième idée reçue, le prix de l’électricité serait indexé sur le prix du gaz. Faux encore, le prix de l’électricité dépend des centrales dont on a besoin. Ca peut être du charbon, du nucléaire, des renouvelables et du gaz, mais il n’existe pas de formules d’indexation.

Une chose en revanche est sûre, avec la combinaison d’une crise du gaz, d’une sécheresse qui a rejailli sur la production hydraulique et d’un problème de corrosion des tuyauteries qui a mis à l’arrêt une bonne partie du parc nucléaire, le système électrique européen a connu l’an dernier ce que les anglo-saxons appellent une tempête parfaite.

Pour autant, la lecture de ces événements n’est pas la même partout. "A Bruxelles, on estime que le système européen a très bien fonctionné en assurant la sécurité d’approvisionnement, indique Thomas Veyrenc. Il n’y a pas eu de restrictions des échanges entre pays. Les flux d’électricité et de gaz se sont instantanément réorientés vers les pays qui en avaient le plus besoin. Nos voisins tiennent à ce système."

Marché européen : écouter Paris et Bruxelles

En France, on n’est évidemment pas de cet avis. Chez nous, le débat a moins porté sur la sécurité d’approvisionnement que sur la question des prix qui ont explosé. Notre production électrique est décarbonée à 93% mais dans 90% du temps, les prix de marché dépendent d’une centrale fossile. D’où le sentiment de subir une envolée des prix dont on est en rien responsable. Ce grand écart n’était pas très visible quand les prix des électrons étaient faibles. La crise énergétique a eu le mérite de révéler ce dysfonctionnement.

Il faut maintenant réformer le système. Un Conseil des ministres de l’énergie le 19 juin devrait formuler quelques propositions. Attention toutefois à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain, prévient Thomas Veyrenc. Le directeur exécutif de RTE note que pendant 25 ans le système européen interconnecté a donné satisfaction. Avec un degré d’harmonisation entre les pays européens supérieur à celui existant entre les différents Etats d’Amérique. "Pour que la réforme soit un succès, il faudra faire cohabiter les deux lectures (celles de Bruxelles et de Paris, NDLR), dit-il. Il faudra préserver ce qui fonctionne bien et mettre des éléments de long terme sur les prix."

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