Sommet des chefs d’État européens sur l’énergie : pourquoi une crise du gaz naturel liquéfié (GNL) semble inévitable

Il y a 1 année 1159

Les chefs d’État et de gouvernement européens se réunissent ces lundis 30 et mardi 31 mai pour discuter du plan Repower EU sur l’indépendance énergétique de l'Union européenne, présenté par la Commission le 18 mai. La pression se fait de plus en plus forte pour sortir de notre dépendance aux énergies fossiles et accélérer la transition énergétique alors que des experts alertent sur une crise inévitable autour du gaz naturel liquéfié.

Face à la crise énergétique exacerbée par la guerre en Ukraine, la demande en gaz naturel liquéfié (GNL) devrait dépasser l'offre d'ici la fin de l’année, selon les recherches de Rystad Energy. La demande mondiale devrait ainsi atteindre 436 millions de tonnes en 2022, dépassant l'offre disponible qui est estimée à 410 millions de tonnes. "Une tempête hivernale parfaite pourrait se former pour l'Europe alors que le continent cherche à limiter les flux de gaz russes", préviennent les analystes. Ils affirment que le soulagement ne pourrait intervenir qu’après 2024.

— Maxence Cordiez (@maxcordiez) May 11, 2022

"Il n'y a tout simplement pas assez de GNL pour répondre à la demande. À court terme, cela entraînera un hiver rigoureux en Europe. Pour les producteurs, cela suggère que le prochain boom du GNL est là, mais il arrivera trop tard pour répondre à la forte augmentation de la demande. Le décor est planté pour un déficit d'approvisionnement soutenu, des prix élevés, une volatilité extrême, des marchés haussiers et une géopolitique accrue du GNL", prévient Kaushal Ramesh, analyste principal pour le gaz et le GNL chez Rystad Energy.

Engie engagé sur un projet de GNL jusqu'en 2041

L'année dernière, la Russie a envoyé 155 milliards de mètres cubes de gaz vers l'Europe, fournissant plus de 30 % de l'approvisionnement de la région. Pour faciliter les importations supplémentaires de GNL, de nombreux terminaux de regazéification ont été prévus à travers l'Europe - certains nouveaux et d'autres réactivés après un profond sommeil. Et plus de 20 projets GNL d'une capacité combinée de plus de 180 millions de tonnes par an ont récemment enregistré des progrès de développement.

Les projets américains comme Lake Charles d'Energy Transfer et Rio Grande de NextDecade ont ainsi été relancés. L’énergéticien français Engie vient par exemple de s’engager à acheter à partir de 2026 et jusqu’en 2041 du GNL issu de gaz de schiste via le terminal texan Rio Grande LNG, actuellement encore au stade de projet. En 2020 pourtant, Engie et le gouvernement français, qui détient 23,6 % de l'énergéticien, avaient abandonné les négociations avec NextDecade en raison des impacts environnementaux du projet, qui fait l’objet de lourdes controverses et de fortes oppositions des communautés locales.

"Quelques jours seulement après le début du second mandat d’Emmanuel Macron, et alors que ce dernier a tenté de verdir son image dans l’entre-deux tours, ce contrat d’importation de gaz de schiste est un terrible signal pour les cinq années à venir. Avec la complicité d’Engie et de Société Générale, le gouvernement enterre les objectifs climatiques français et européens", dénonce Lorette Philippot, chargée de campagne finance et énergies fossiles aux Amis de la Terre France.

Une plainte déposée contre l'UE

Réunis en sommet les 30 et 31 mai, les chefs d’État et de gouvernement européens doivent se prononcer sur le plan Repower EU, présenté le 18 mai dernier par la Commission européenne pour sortir le plus vite possible de notre dépendance aux hydrocarbures russes. Il présente des pistes pour accélérer la transition énergétique mais il mise aussi sur le développement de l’approvisionnement en GNL. Or la pression se fait de plus en plus forte pour sortir des énergies fossiles. 

Le 25 mai, une plainte a été déposée auprès du Médiateur de l’Union européenne par le Global legal action network (Glan), soutenu par des ONG comme Notre Affaire à Tous. Ils accusent Bruxelles de ne pas en faire assez face à la crise ukrainienne et d’aggraver la crise climatique. La construction de nouvelles infrastructures de combustibles fossiles sans avoir évalué leur risque de "verrouillage" qu'elles représentent est notamment pointée du doigt. "C’est précisément ce que le secrétaire général de l'ONU a qualifié de 'folie morale et économique' à la suite de la publication du dernier rapport du GIEC", dénonce le Glan. 

Dans une lettre ouverte adressée à la présidente de la Commission le 11 mai dernier, plus de 120 hauts dirigeants d’entreprises (EDF, Eiffage, Nestlé, Unilever, Microsoft) ont exhorté l’Union européenne à accélérer la transition verte et à adopter un paquet Fit for 55 "ambitieux" pour renforcer la sécurité énergétique du continent, la compétitivité de son industrie, et rester sur une trajectoire compatible avec un réchauffement de 1,5°C. 

Concepcion Alvarez @conce1

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