La chute des prix du lithium, un signe de la fragilité de la transition énergétique

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Publié le 27 janvier 2024

Les prix du lithium, métal indispensable aux nouvelles technologies énergétiques, sont en chute libre. S'ils indiquent un ralentissement du marché des véhicules électriques, cette dégringolade est surtout un signe qui montre à quel point la transition énergétique est encore fragile.

Depuis plus d’un an, le prix du lithium s’effondre. Il a perdu près de 80% de sa valeur en seulement quelques mois. Loin d’être anecdotique, cette chute des prix est un signal qui rappelle que la transition énergétique est une tendance fragile. Ce métal blanc, produit essentiellement en Amérique Latine, en Australie et en Chine, est indispensable pour la majorité des technologies de batteries, cruciales pour décarboner nos mobilités ou pour la transition énergétique. Il fait donc à juste titre l’objet de toutes les attentions économiques, politiques et industrielles depuis quelques années.

Mais à partir de 2021, le marché du lithium a connu un essor inédit. A l’époque, les prévisions de croissance sur le marché des véhicules électriques sont au plus haut. Les constructeurs veulent augmenter leur production, et la demande pour le lithium, métal indispensable à la production des batteries, croît rapidement. Pour répondre à la demande, l’industrie minière investit massivement : "il y a eu une telle peur du manque de disponibilité pour le lithium qu’il y a eu énormément d’investissements pour en produire plus" explique Emmanuel Hache, chercheur en prospective énergétique et géopolitique des matériaux à l’Institut Français pour les Énergies Nouvelles. Les prix s’envolent alors, passant de 12 000 dollars la tonne début 2021 à près de 85 000 fin 2022. 

Ralentissement du marché du véhicule électrique

Mais la ruée vers l’or blanc fut de courte durée. Le marché du véhicule électrique n’a pas connu les croissances attendues. Au cours de l’année, les constructeurs ont même baissé leurs objectifs de production. La baisse des subventions en Chine et dans certains pays d’Europe (dont la France), et les difficultés du marché américain expliquent ce ralentissement. Les prévisionnistes s’attendent à des hausses encore modérées en 2024, mais sans qu’une tendance claire ne se dégage. Résultat : une demande plus faible, mais une offre au plus haut du côté des producteurs de lithium, ce qui a fait brutalement chuter les prix. Le marché du lithium, comme celui des batteries d’ailleurs, qui consomme 70% des volumes de ce métal dans le monde sont donc instables. Or, cette instabilité pourrait être le signe que la transition énergétique est encore fragile.

"On a quelque chose de cyclique sur le marché du lithium comme sur d’autres marchés : on alterne des périodes d’enthousiasme, où on investit beaucoup, et des périodes de recul", explique Emmanuel Hache. Après la hausse, qui avait mis sous pression les constructeurs automobiles en augmentant le coût de production des véhicules électriques, la chute des prix pourrait aujourd’hui temporairement décourager les investissements dans les infrastructures de production de lithium. Or l’économie mondiale va en avoir besoin pour avancer dans la transition énergétique. L’Agence Internationale de l’Énergie s’inquiétait ainsi dans une note il y a quelques mois des "risques de retards dans les projets" de production, et rappelait que "d’autres projets seraient nécessaires dans un scénario limitant le réchauffement à 1,5 degrés".  

La nécessité d’une planification et du soutien des pouvoirs publics

En l’absence de planification, la sécurisation de l’approvisionnement pourrait donc rapidement redevenir un problème. "Si l’on veut atteindre nos objectifs de transition énergétique dans le transport, nos besoins en lithium pour ce secteur vont être multipliés par 20 au niveau européen, 40 au niveau mondial. Si on n’investit pas assez maintenant pour produire ce lithium, on aura des tensions et des goulots d’étranglement d’ici 10 ou 20 ans” explique Emmanuel Hache. Benjamin Louvet, directeur des gestions matières premières chez Ofi Invest AM, fonds d’investissement spécialisé, estime quant à lui que l’on peut s’attendre à "un surplus de production pour cette année, peut-être en 2025. Ensuite, les tensions sur le lithium risquent de réapparaître, car des projets d’exploitation vont être mis en suspens et le marché va s’inverser”. 

Les montagnes russes des prix du lithium, et avec elles, les aléas du marché du véhicule électrique, illustrent donc l’état d’incertitude qui entoure la transition énergétique dans le monde. Or aujourd’hui, les marchés "enfermés dans une vision court-termiste", selon les mots d’Emmanuel Hache "ne semblent pas croire à la transition". "Il va falloir un soutien plus important et plus stable des pouvoirs publics, que ce soit pour la commercialisation des véhicules électriques, ou pour la sécurisation des approvisionnements en métaux, si l’on veut atteindre nos objectifs climatiques", résume Benjamin Louvet. C’est précisément ce qu'indique l’Agence Internationale de l’Énergie, qui appelle à "des politiques plus larges et plus ambitieuses pour accélérer la transition énergétique".

Clément Fournier 

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