Contrairement au fabricant nantais de panneaux solaires Sytovi, Voltec Solar a survécu à la déferlante de panneaux chinois à prix cassés en Europe de 2023. L'entreprise alsacienne a pu compter sur ses investissements passés et sa capacité à s'adapter rapidement aux demandes du marché.
En avril 2024, faute de repreneur, Systovi annonce être placé en liquidation judiciaire et cesser ses activités de production de panneaux photovoltaïques à Carquefou, près de Nantes (Loire-Atlantique). Cette filiale du groupe Cetih, n’a pas résisté à la déferlante sur le marché européen de panneaux chinois à prix cassés. C’était l’un des derniers fabricants français. Le plus petit, avec ses 50 MW de capacité de production. À l’autre bout de la France, Voltec Solar, filiale du groupe Alsacien Stub, a, elle, tenu le choc. «Nous avons traversé, comme l’ensemble de l’industrie photovoltaïque, une crise de surproduction avec une forte baisse des prix, qui ont été divisés au moins par deux dans les indices tarifaires, explique Lucas Weiss, le directeur général de Voltec Solar à L’Usine Nouvelle. Mais aujourd’hui, notre carnet de commande a quintuplé et est supérieur en nombre de pièces à celui de 2022. Nous produisons de nouveau 24h/24 et en 3X8, qui est le fonctionnement normal». La charge de son usine de Deinshein-sur-Bruche (Haut-Rhin) est même assurée pour les trois prochains mois, ce qui est la visibilité classique de ce marché.
Pour le patron de Voltec Solar, créé en 2009, ce n’était pas une première. «Nous avons déjà connu le moratoire en France en 2010 et la fin des mesures antidumping en Europe», rappelle Lucas Weiss. Comment Voltec Solar a-t-il résisté cette fois encore ? L’industriel venait d’investir 9 millions d’euros et de mettre en service une nouvelle ligne de production qui doublait ses capacités à 500 MW par an, «soit environ 15% de la taille du marché français». C’est que justement, il a pu, fin septembre 2023, réduire la cadence de production et passer en 2x8. L'opération a permis de répartir la petite centaine de salariés sur les deux lignes. Le plan d’embauche au 2e semestre 2023, pour démarrer l’entièreté de la capacité de production, a lui été suspendu. La crise passée, il a été relancé, avec une cinquantaine d’embauches prévues d’ici à la fin de l’année.
Passer en 2x8 et geler les embauches
Lucas Weiss annonce même un nouvel investissement de 1 million d’euros pour lancer la production d’une nouvelle génération de panneaux avec la technologie TOPCon «qui participe à la baisse des prix» et donc à la compétitivité du fabricant français. Le rendement des panneaux passe à 22,5 à 23%, contre 20 à 21% avec l’ancienne technologie. La puissance des modules de 375 à 500 watts sur une même surface. Résultat, «là où, pour un kit de 3 kW on avait besoin de sept à huit panneaux, aujourd’hui, il n’en faut plus que six», explique Lucas Weiss.
Pour autant, selon le dirigeant de Voltec Solar, c’est surtout sa capacité d’innovation et à s’adapter très vite aux demandes spécifiques du marché qui a permis à l’entreprise de passer la crise. Et notamment pour le marché résidentiel, qui représente désormais 50% de ses ventes, avec des panneaux plus esthétiques avec du verre sans antimoine recyclable, en verre alimentaire, ou colorés. L'entreprise investit aussi dans l’industrialisation d’une nouvelle technologie, le Perovskite 4T avec l’institut français du photovoltaïque, l’IPVF, à Saclay. Grâce à un financement de France 2030, une ligne pilote va y être mis en service cette année, avant un démonstrateur industriel dans deux ans. «Disposer de la propriété intellectuelle d’une technologie est la clé pour assurer la souveraineté de la France face aux panneaux chinois», explique Lucas Weiss.
Miser sur le Made in Europe
C’est aussi un moyen de jouer un jour à armes égales avec les deux gigafactories de panneaux photovoltaïques, de Carbon Solar à Fos-sur-Mer et d’Holosolis à Hambach (Moselle), même si pour lui aujourd’hui «cela n’aurait pas de sens de pouvoir produire 5 GW», le marché n’étant pas là. Car Voltec ne peut pas afficher de label Made in France. En revanche, «grâce à notre démarche écoconception, nous achetons depuis sept ans nos wafers au norvégien NorSun, et faisons avec fabriquer nos cellules en Asie. Mais 80% de la valeur de nos panneaux provient d’Europe», précise l'entreprise. Et face aux déclarations du dirigeant du PDG d’Holosolis, Jean Jacob Boom Wichers, qui explique que les fabricants de panneaux actuels ont une taille sous optimale pour être compétitif, Lucas Weiss répond : «L’important, c'est d’arriver à le conserver un écosystème de fabricants en Europe et le faire grandir. Il faut miser sur les gens qui existent».