C’est l’une des plus grandes bioraffineries du continent que vient de mettre en service Total, dans le sud de la France. Au bord de l'étang de Berre, près de Marseille, l’ancienne raffinerie d'hydrocarbures reconvertie dispose d'une capacité de production annuelle de 500 000 tonnes de biocarburants - du "biodiesel" et du "biojet" pour l'aviation-, a expliqué le géant pétrolier dans un communiqué mercredi.
Le démarrage, dans la nuit de lundi 2 juillet, n'est pas allé sans mal. Il accuse près d'un an de retard, pour des "raisons techniques" liées à la "transformation d'installations existantes". Mais le site de La Mède, qui fonctionnera pour moitié sur la transformation d'huile de palme importée, a aussi fait face à une vive contestation des défenseurs de l'environnement et des agriculteurs.
Contestation devant la justice
Les associations environnementales, qui contestent devant la justice administrative l'autorisation d'exploitation accordée par le préfet (l'audience est attendue début 2020), accusent en effet ce projet de contribuer à la déforestation en Asie du sud-est. Total indique pourtant s'être "engagé à traiter chaque année au maximum 300 000 tonnes d'huile de palme, soit moins de 50% du volume des matières premières nécessaires".
Les carburants seront produits "pour 60-70% à partir d'huiles végétales durables (colza, palme, tournesol, etc.)" et "pour 30-40% à partir de retraitement de déchets (graisses animales, huiles de cuisson, etc.)". Or "Lorsqu'ils sont produits à partir de matières premières durables, comme c'est le cas à La Mède, les biocarburants émettent plus de 50% de CO2 en moins que les carburants fossiles", indique le groupe dans un communiqué. Tout en précisant que la certification de son huile de palme serait complétée par un dispositif spécial de contrôle de la durabilité et du respect des droits de l'Homme (limitation du nombre de fournisseurs, audits par des tiers...).
Mais les ONG, telles que Greenpeace et les Amis de la Terre, demandent plus de transparence sur la traçabilité et l'origine de la palme en dénonçant l'inefficacité de certaines certifications. Pour le climat, "les agrocarburants sont pires qu'une énergie fossile, parce qu'on déboise, on utilise des terres destinées à l'alimentation, et l'entreprise ne peut pas s'assurer qu'il n'y a pas de déforestation directe", surtout dans des pays où l'opacité règne, assure Laura Monnier, juriste de Greenpeace.
Huile de palme contre colza ?
Quant à France Nature Environnement, la section provençale s'inquiète des « conséquences sanitaires potentielles sur les citoyens" après avoir constaté "depuis plusieurs jours la présence de fumées noires émanant" du site.
De leur côté, des agriculteurs étaient venus bloquer le site de La Mède en juin 2018, protestant contre l'importation des matières premières et notamment de l'oléagineux asiatique "dont la part croît" dans l'essence en France au détriment notamment du colza. Là encore, Total répond qu’il s’est engagé à employer "au minimum 50 000 tonnes de colza français afin d'assurer un débouché supplémentaire à l'agriculture française".
L'essentiel de la production de La Mède ira au marché national. La France consomme environ trois millions de tonnes par an de biodiesels, incorporés à hauteur de 7,7% dans les hydrocarbures. Jusqu'ici, environ la moitié était produit en France.
La rédaction avec AFP