Publié le 26 octobre 2023
Si le projet Eacop/Tilenga mené par Total en Ouganda et en Tanzanie fait régulièrement la Une, la major est en réalité impliquée dans de nombreux projets climaticides. L'ONG Greenpeace a recensé 33 bombes climatiques, des projets super-émetteurs à plus d'un milliard de tonnes de CO2, qui vont sérieusement mettre en péril l'objectif 1,5°C.
"C’est une forêt de bombes climatiques que TotalEnergies cache derrière l’arbre Eacop/Tilenga", résume Greenpeace dans un nouveau rapport publié le 25 octobre sur l’implication de la major dans les projets d’énergie fossile. Alors que les projecteurs sont braqués depuis plusieurs mois sur le projet d’extraction de pétrole et d'oléoduc géant en Ouganda et Tanzanie, le document révèle d’autres projets bien plus climaticides encore.
Au total, selon le décompte de l’ONG, qui s’appuie notamment sur la base de données Rystad Energie, TotalEnergies serait impliquée pour l’année 2022 dans 33 bombes climatiques, à savoir des projets dont les émissions pourraient dépasser chacun le milliard de tonnes de CO2. Greenpeace évalue leur potentiel impact – si l’ensemble de leurs réserves étaient effectivement brûlées – à 93 milliards de tonnes de CO2 équivalent. C’est plus de deux fois les émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Vaca Muerta, North Field, Changqing...
La principale bombe climatique dans laquelle TotalEnergies est impliquée est le projet d’extraction de pétrole et gaz en Argentine, baptisé Vaca Muerta et qui pourrait émettre 14,5 milliards de tonnes de CO2. Ce gisement, qui s'étend sur 30 000 km2 en Patagonie, est considéré par le département américain à l'Énergie comme la deuxième réserve mondiale de gaz de schiste, et la quatrième mondiale pour le pétrole de schiste. Viennent ensuite deux projets gaziers au Qatar, émettant potentiellement chacun 7 milliards de tonnes de CO2.
Top 5 des bombes climatiques auxquelles TotalEnergies participe.
Le rapport révèle également qu’outre ces projets super-émetteurs, TotalEnergies s’est engagé depuis 2015, et la signature de l’Accord de Paris, dans 84 nouveaux projets d’énergies fossiles, dont encore 11 après 2021. Et ce, malgré de nombreux rapports alarmants du Giec, réunissant les experts internationaux sur le climat mais aussi de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) qui a publiquement recommandé cette année-là de renoncer au développement de nouveaux champs pétroliers ou gaziers pour rester aligné sur l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050.
"Le PDG de TotalEnergies va encore se présenter en bienfaiteur de l'humanité qui ne ferait que ‘répondre à la demande en énergies fossiles’. Mais en continuant à développer de nouveaux projets pétroliers et gaziers, l’industrie fossile nous enferme dans une dépendance pour plusieurs décennies", souligne Edina Ifticène, chargée de campagne Énergies fossiles pour Greenpeace France. "Nous continuons à investir dans de nouveaux projets pétroliers pour répondre à la demande mondiale encore croissante" et "au déclin naturel de nos champs actuels (4 % par an)", a réagi le groupe auprès de l'AFP. Sollicité par Novethic, il n'a pas donné suite.
"Sombre réalité"
Outre les conséquences de ces projets sur le climat, Greenpeace dénonce aussi leur impact sur la biodiversité. Les deux tiers de ces 33 bombes climatiques sont en effet situés à au moins 50 kilomètres d’une zone de biodiversité protégée et un tiers à moins de dix kilomètres. "Aujourd’hui, il n’existe pas d’encadrement juridique international harmonisé imposant des distances de sécurité ni des critères pour les évaluations d’impact environnemental. Ainsi, chaque pays décide pour son territoire national des règles de préservation de la biodiversité", constate l’ONG.
Des règles qui sont généralement moins protectrices dans des pays où les indices de paix, de démocratie et de perception de la corruption sont mauvais. Or, toujours selon les données collectées par Greenpeace, les trois-quarts des bombes climatiques portées par TotalEnergies le sont dans des pays dont les régimes sont jugés autoritaires. "La production d’énergies fossiles alimente les conflits, entraîne des situations de violation des droits humains et encourage la corruption ; les majors comme TotalEnergies sont au cœur de cette sombre réalité", conclut le rapport.