Publié le 08 décembre 2020
C’est une énergie renouvelable pleine de promesses mais dont le développement est difficile. Le pompage d’eau à très haute température à plusieurs kilomètres de profondeur permet de produire de l’électricité et de la chaleur. Mais le projet pionnier en France près de Strasbourg, développé par Fonroche, a été mis à l’arrêt sur décision préfectorale, après que plusieurs séismes aient été ressentis dans les agglomérations voisines.
Vendredi 4 décembre, trois légers séismes d’une magnitude de 2,6 à 3,5 ont réveillé une partie de l’agglomération Strasbourgeoise. Et ce n’est pas la première fois. Cela s’est produit à plusieurs reprises depuis un an et il n’y a rien de naturel là-dedans. L’origine provient d’un chantier de géothermie profonde à Reichstett-Vendenheim au nord de la capitale alsacienne. Cette fois-ci fut celle de trop et, bien que la secousse n’ait donné lieu à aucun dégât, la préfecture a décidé de stopper le projet définitivement.
C’était pourtant un projet emblématique pour toute la filière française. Il s’agissait d’aller pomper de l’eau à haute température à cinq kilomètres de profondeur. Pour cela, il faut injecter de l’eau à haute pression dans la nappe où le fluide est pompé. Même s’il ne s’agit pas de fracturation hydraulique comme dans le cas du pétrole ou de gaz de schiste, de telles opérations peuvent conduire à des microséismes.
Extraordinaire et anormal
"Ce projet, implanté dans une zone urbanisée, n'offre plus les garanties de sécurité indispensables et doit donc être stoppé", a justifié la préfecture. Cette décision vise à "éviter au maximum tout nouveau mouvement sismique", alors que plusieurs tremblements de terre "induits", c’est-à-dire lié à l'activité humaine, ont été enregistrés depuis fin octobre sur le chantier de la société Fonroche.
"Ma préoccupation première est la protection des populations, ça l'emporte bien évidemment sur tout le reste", a déclaré à l'AFP la préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier. "D'après mes services, ce qui s'est passé vendredi est d'une intensité absolument extraordinaire et anormale", a-t-elle souligné. Pour la municipalité, il s'agit d'une bonne décision.
100 millions d’euros
"On ne peut que se réjouir de la décision de l'État", a réagi Georges Schuler, le maire de Reichstett. "La géothermie peut être une source d'énergie intéressante, mais il faudrait que dans la métropole, où la densité de population est très forte, on évite ce genre de projets". Pourtant, la promesse était grande car la centrale de géothermie profonde de Reichstett, une première en France, aurait alimenté 15 000 à 20 000 logements en électricité, et 26 000 en chaleur.
Pour l’industrie,l la facture est élevée. Les recherches avaient commencé en 2013, puis, après l'identification d'un gisement, une autorisation de travaux avait été accordée par la préfecture en avril 2016. Fonroche, qui a investi près de 100 millions d'euros dans ce projet, annonçait une mise en service de la centrale dès 2021. Et l'abandon du projet de Vendenheim est un mauvais signal envoyé aux industriels de la géothermi, alors que d'autres projets similaires sont en cours d'étude : deux portés par Fonroche à Eckbolsheim et Hurtigheim, et un autre à Illkirch, porté par Electricité de Strasbourg (ES, filiale d'EDF).
Ludovic Dupin avec AFP