La France met le cap sur l'éolien en mer avec deux projets lancés en Méditerranée

Il y a 2 années 1026

Très en retard par rapport à d'autres pays européens, la France accélère sur l'éolien en mer. Deux appels d'offres ont été annoncés par le Premier ministre pour des parcs d'éoliennes flottantes en mer. Elles devraient voir le jour d'ici 2030. Si leur emprise au sol est moins importante, elles suscitent tout autant de contestations que les éoliennes terrestres ou posées au fond de la mer. Face à l'urgence climatique et à la nécessité de sortir des énergies fossiles, ces installations sont nécessaires mais elles doivent aussi être acceptées et comprises de tous. 

Elles mesurent 150 mètres de haut mais peuvent s’élever jusqu’à 176 mètres en bout de pale au-dessus de la mer, soit l’équivalent d’une demi-Tour Eiffel. Les éoliennes en mer font leur arrivée en France. Un tout premier parc, face à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), doit commencer à produire de l'électricité mi-mai, pour une mise en service générale fin 2022. Sept autres suivront jusqu’en 2029. Cette première vague concernera uniquement des éoliennes posées au fond de la mer.

Carte eolien en mer

Mais des éoliennes en mer flottantes vont venir s’ajouter à ce panorama. Mi-mars, le Premier ministre Jean Castex a en effet annoncé deux appels d'offres pour construire à l'horizon 2030 deux parcs éoliens flottants en mer Méditerranée, au large de Port-la-Nouvelle (Aude) et de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). Chacun comprendra une vingtaine d'éoliennes, pour une production de 250 mégawatts (MW) afin d’alimenter en électricité un million de personnes, et une extension possible jusqu'à 750 MW. Une décision qui suit l'objectif fixé par Emmanuel Macron de construire 50 parcs éoliens en mer d'ici à 2050.  

Le Grand Dauphin est particulièrement présent dans cette région

La technologie flottante n'a encore jamais été utilisée pour un parc commercial en France, qui accuse un certain retard par rapport à d’autres pays. Le flottant constitue une "très grande force" car il "peut être installé loin des côtes, lorsque les fonds sont profonds", comme en Méditerranée, a fait valoir le Premier ministre, qui souhaite que la France devienne "une nation clé" pour cette technique. Mais tout comme l’éolien terrestre, ces projets suscitent une méfiance de la part des ONG environnementales et des associations locales.  

"Nous ne sommes pas opposés aux projets d'éoliennes en mer, car nous comprenons la nécessité de trouver des alternatives aux fossiles. Mais nous estimons qu’il faut aussi prendre le temps de mesurer les impacts potentiels que peuvent avoir ces parcs sur la vie sauvage. Or, là on accélère la cadence et on délivre des autorisations sans attendre les retours d’expérience des parcs-pilotes (qui entreront en fonctionnement en 2023, ndr)" regrette, Serge Briez, photographe et réalisateur, président de l'association Les peuples de la mer.  

Dauphin Serge Briez USAGE UNIQUE

Une centaine de dauphins sont présents de façon régulière dans la région. Crédit : Serge Briez

De façon régulière, l'association mène des expéditions dans le Golfe du Lion, autour des futurs parcs éoliens, afin de réaliser un état initial des mammifères et oiseaux marins présents sur place. Le grand dauphin, espèce côtière protégée, est particulièrement présent dans cette région qui est aussi un couloir de migration depuis l’Afrique pour les oiseaux. "L'impact réel sur les oiseaux marins, les cétacés, comme le grand dauphin, ou les grands poissons, reste méconnu", déplore Serge Briez. En tant que marin, il s’inquiète aussi de la perte de la ligne d’horizon, synonyme de liberté pour lui.  

"Un grand débat public national sur la stratégie française énergie climat"

"Il y a actuellement 5 000 éoliennes en mer implantées en Europe et les retours d’expérience sont plutôt rassurants. Il n’y a pas eu de modification significative de la faune ou de destruction de la biodiversité. Au contraire, il y a parfois des impacts bénéfiques avec "un effet réserve" car les zones d’implantation des éoliennes sont interdites à d’autres activités. Je pense en outre qu’il est important de prendre en compte les retours d’expérience de façon dynamique, conjointement au lancement des projets qui prennent un certain temps", argumente Anne Georgelin, responsable Éolien en mer pour le Syndicat des énergies renouvelables (Ser).

Et du temps, on en manque justement. Les différents scénarios de RTE, y compris les plus favorables au nucléaire, tablent sur une accélération massive des énergies renouvelables d’ici 2035. Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) préconise "un grand débat public national sur la stratégie française énergie climat (SFEC). Il y a un flou sur la compréhension des enjeux". Et ce "débat de société" devra aussi "présenter les évolutions possibles des modes de vie". Car aujourd'hui, "on refait à chaque projet le débat qui n'a pas eu lieu nationalement", notent les rapporteurs.  

La guerre en Ukraine nous rappelle aussi l'urgence de sortir des énergies fossiles. "Plutôt que de pleurer sur les dommages visuels causés par les éoliennes, ouvrons les yeux sur les décombres des villes ukrainiennes et sur les responsabilités de ceux qui ont décidé de les bombarder", lançait récemment l’ancien Président François Hollande dans une tribune.

Concepcion Alvarez @conce1

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