Publié le 08 janvier 2024
Plus de 100 milliards de dollars. C'est ce que devraient recevoir les actionnaires des cinq plus grandes majors pétrolières occidentales pour l'année 2023, estime l'Institute for Energy Economics and Financial Analysis. Le montant devrait dépasser le record déjà enregistré en 2022 à la suite d'une année de superprofits. Alors que le monde plonge dans la crise climatique, l'industrie pétrolière persiste sur le même modèle.
Les dividendes versés aux actionnaires par les cinq plus grandes compagnies pétrolières occidentales pour l'année 2023 devraient détrôner ceux de l'année 2022, déjà exceptionnels, a estimé l'Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA) dans un article publié par le Guardian. Ils vont une nouvelle fois dépasser les 100 milliards de dollars. En 2022, les "cinq majors", BP, Shell, Chevron, ExxonMobil et TotalEnergies avaient déjà distribué 104 milliards de dollars de dividendes pour conclure une année de super-profits engrangés en raison de la guerre en Ukraine. À titre de comparaison, c'est plus de 100 fois le montant promis pour le fonds pertes et dommages lors de la COP28.
Plusieurs associations fustigent ces versements alors que le dérèglement climatique s'intensifie et que la transition vers les énergies renouvelables demande des investissements massifs. "Au lieu d'investir leurs bénéfices records dans l'énergie propre, ces entreprises doublent leurs investissements dans le pétrole, le gaz et les dividendes de leurs actionnaires", a réagi auprès du Guardian Alice Harrison, responsable de campagne au sein de l'ONG Global Witness.
Six fois plus que l'investissement dans les énergies renouvelables
La somme promise par Shell à ses actionnaires pour 2023 est ainsi six fois plus importante que celle qu'elle alloue au développement des énergies renouvelables, illustre le Guardian. Un autre décalage fait aussi grincer des dents : celui du prix élevé de l'énergie pour de nombreux ménages. Antoine Laurent, responsable de plaidoyer chez Reclaim Finance, qualifie la stratégie des cinq majors pétrolières de "comportement irresponsable dans un contexte d'urgence climatique" mais aussi "d'urgence sociale" alors que "ce flot d'argent est alimenté par les consommateurs finaux d'énergie, pour beaucoup, des foyers exposés à la précarité énergétique".
Pour les compagnies pétrolières, la pression de l'opinion publique est de plus en plus forte. Elle se traduit notamment par des demandes faites aux investisseurs de désinvestir des énergies fossiles, ou encore des critiques virulentes face aux superprofits générés par la guerre en Ukraine, la volonté de taxer ces superprofits ou encore les superdividendes... Face à cela, les majors arrosent leurs actionnaires de dividendes souvent plus élevés que leurs revenus, une pratique courante ces dernières années précise l'IEEFA. Ce modèle est toutefois risqué : "Espérer la guerre ou s'appuyer sur un cartel pétrolier mondial pour manipuler les prix est à l'opposé d'un modèle économique durable et à faible risque", déplore l'institut.
Fanny Breuneval