Guerre en Ukraine : TotalEnergies renonce au pétrole russe, mais reste présent dans le gaz

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Un mois après le début de la guerre en Ukraine, TotalEnergies annonce qu'elle va cesser d'acheter du pétrole et des produits pétroliers à la Russie. La major maintient cependant ses positions dans le gaz et assure que partir serait contre-productif et reviendrait à soutenir davantage les intérêts russes. Les pays européens, qui se réuniront en Conseil les 24 et 25 mars, sont très divisés sur l'instauration d'un embargo sur les hydrocarbures russes.

"Il est très clair pour moi qu’il n’y a pas de futur de croissance en Russie, on a mis une croix dessus". Un mois après le début de la guerre en Ukraine, Patrick Pouyanné, le PDG de TotalEnergies, est sorti de son silence. Invité sur RTL ce mercredi 23 mars, il a confirmé les engagements pris la veille par le groupe, sous pression depuis plusieurs semaines pour son maintien en Russie. La major française s’engage à ne plus acheter de pétrole et de diesel russes, au plus tard d’ici la fin de l’année. Mais elle maintient sa position dans le gaz, un secteur stratégique pour elle.

"Aujourd’hui, je sais remplacer le pétrole et le diesel russes, c’est pourquoi j’ai pris ces décisions. Mais le gaz russe, je ne sais pas le remplacer. Et les gouvernements européens sont sur la même position en choisissant de ne pas prendre de sanction sur le gaz. Si nous le faisions, nous aurions un problème à l’hiver 2023 et nous devrions rationner les entreprises" a commenté Patrick Pouyanné.  

La France importe 30 % de son diesel de Russie

Au lendemain de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février, TotalEnergies avait déjà renoncé aux opérations de trading sur les marchés pour le pétrole et les produits raffinés provenant de Russie. "On ne voulait pas faire de l’argent sur le pétrole russe décoté" précise le PDG de la multinationale. Le groupe annonce aussi dans un communiqué laconique, début mars, qu’elle cesse tout nouvel investissement en Russie. L’argument mis en avant alors, et renouvelé ce jour, est que les plus hautes autorités ne poussent pas l’entreprise à quitter la Russie.

Aujourd’hui, TotalEnergies va donc un cran plus loin, en arrêtant ses importations de brut. La raffinerie de Leuna, à l’est de l’Allemagne, est notamment concernée. Mais ce sont aussi les approvisionnements en diesel qui s’en trouveront impactées. La France notamment importe 30 % de son diesel depuis la Russie. Le groupe compte "mobiliser des produits pétroliers en provenance des autres continents, notamment sa part de diesel produit par la raffinerie de Satorp en Arabie Saoudite" peut-on lire dans le communiqué.

Mais pour les ONG, c'est toujours insuffisant. "Il s’agit en fait simplement d’un non-renouvellement des contrats en cours, qui se terminaient au plus tard fin 2022. Total n’annonce par contre aucun changement concernant son implication, via sa filiale Total E&P Russie, dans le projet pétrolier Kharyaga développé avec l’entreprise russe Zarubezhneft dont le président du conseil d’administration, Evgeniy Murov, est placé sur la liste des sanctions américaines depuis 2014. Equinor a pour sa part annoncé son retrait de ce champ pétrolier dont elle détenait 30 %, quand Total y est encore impliqué pour 20 %" rétorquent Les Amis de la Terre France. Ils rappellent le devoir de vigilance qui s'applique au groupe français.

"En cas de sortie du gaz russe, l'avenir de l'entreprise ne serait pas engagé"

En outre, aucune annonce ne concerne le gaz. Il faut dire que le pays est stratégique pour TotalEnergies qui mise dessus comme énergie de transition. Car si la Russie ne représente que "3 % à 5 %" de ses revenus, comme le répète son PDG, et 17 % de la production annuelle de liquides et de gaz naturel en 2020, elle compte pour 30 % de sa production de gaz et 40 % de ses réserves gazières mondiales.

TotalEnergies, présent sur place depuis 1991, est notamment actionnaire de la compagnie de gaz russe Novatek (19,4%), aux côtés de Gazprom (9,9%) détenu par le Kremlin, et jusqu’à peu de l’oligarque russe Guennadi Timtchenko (23,5%), un très proche de Poutine directement visé par les sanctions européennes. Celui-ci a annoncé en début de semaine qu’il quittait le conseil d’administration de Novatek. Il est aussi actionnaire minoritaire de deux projets stratégiques, le site gazier Yamal LNG (opérationnel depuis 2017) et Arctic LNG2 (un projet en construction dont la première livraison de gaz naturel liquéfié est prévue pour 2023).

"La Russie représente effectivement pour nous des réserves importantes mais qui ne rapportent pas beaucoup d’argent, donc si nous devions sortir du gaz (suite à une décision politique, NDR), l’avenir de l’entreprise ne serait pas engagé" contre-balance Patrick Pouyanné. Et de rappeler que dans "le contexte actuel des sanctions européennes et des lois russes de contrôle des investissements étrangers en Russie", céder ces actifs russes "contribuerait à enrichir des investisseurs russes en contradiction avec l’objet même des sanctions".  

Concepcion Alvarez @conce1

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